Calcification of the Human Ghost

Koza

01/01/2021

Autoproduction

J’ai mis du temps à comprendre pourquoi certains musiciens aimaient jouer lentement. Je sais, l’adage populaire affirme que chi va piano va sano va lontano, mais en tant que fan de Thrash, Death et Grind depuis les années 80, j’ai longtemps été tenté de croire qu’il fallait taper le plus vite possible pour rendre une musique agressive et méchante. Jusqu’à ce que je découvre quelques albums clé, dont le séminal Souls at Zero de NEUROSIS, qui m’a prouvé que la lenteur pouvait être synonyme de malaise, avant que la vague des CROWBAR, EYEHATEGOD et autres ISIS ne me frappe de plein fouet. Et sans être devenu un fan de Doom ou de Sludge, je reconnais que cette mesure de tempo me parle beaucoup plus aujourd’hui, spécialement lorsqu’elle est prônée par des groupes s’y entendant come personne pour pilonner les sens de façon systématique MAIS intelligente.

Ainsi, les américains de KOZA font partie de cette catégorie, et le prouvent sans ambages sur leur premier longue-durée. Six ans après leur naissance à Chattanooga, Tennessee, ces quatre marsouins nous offrent donc trente minutes et quelques de souffrance sonore à la croisée des chemins, une œuvre tenant tout autant du Doom que du Sludge ou du Stoner. On reconnaît l’ouverture d’esprit à la saleté des riffs et à la cruauté de la voix, mais aussi à ce rythme faussement lancinant qui accepte les cassures régulières et les accommodations extérieures. Et six ans après leur premier EP éponyme, les KOZA démontrent qu’ils sont passés maîtres dans l’art de transformer la pesanteur en oppression maladive, un peu comme si un obscur combo de Virginie s’était exilé dans l’Oregon pour secouer les fondations de Portland.

Peu d’informations au sujet de ce quatuor (Bobby Rayfield - basse, Chris Ross - batterie, Russ Cannon - guitare et Brooks Rose - chant), qui sur ses pages officielles ne se répand pas en confidences sur ses influences ou sa genèse. Mais les influences sont réelles, la vague de la Nouvelle-Orléans, celle de New-York, une certaine vision d’un UNSANE encore plus maladif qu’à l’ordinaire, un poil de PRIMITIVE MAN en cure d’amaigrissement à Chattanooga, et vogue la galère, sur une mer de production sourde, abrasive, grave et grasse. La houle fait donc tanguer le navire sur tout le long de sa traversée, mais miraculeusement, on arrive à bon port, sans vraiment savoir pourquoi. Il faut dire que Russ Cannon tire de sa guitare des riffs dantesques aptes à ralentir n’importe quel voilier à la vitesse d’un croisé, trouvant parfois un axe Doom vraiment énorme pour alourdir un propos déjà fort peu digeste (« Dull Care Slain »). Ce morceau est d ‘ailleurs le haut fait d’un album qui peut donner des haut-le-cœur de son amplitude dévastatrice, avec son tracé d’oscilloscope tournant fou, entre saillies bluesy qui se greffent sur une basse Stoner, et si le chant monolithique et hurlé de Brooks Rose empêtre le propos dans les marais d’une âme trop noire, l’ensemble décolle miraculeusement, et évite le piège redondant d’un Doom trop fixé sur les obsessions de BLACK SABBATH.

Il y a pourtant du SAB dans cette musique, mais il y a autre chose aussi, de cette nouvelle vague de Sludge qui repousse les frontières du supportable, et qui ne tolère de limites que celles de sa vilénie. « Leeches » prévient d’ailleurs l’auditeur que la séance risque d’être fort désagréable, appuyant sur la lenteur comme un pneumothorax sur la plèvre, mais cette gravité de fond dans l’instrumental suggère que les KOZA ont une culture Hardcore, Death et Sludge qui mérite le respect.

Evidemment, la noirceur est omniprésente, parfois même dérangeante lorsque les premières notes déprimantes de « Hospice » vous heurtent de plein fouet, comme celle d’un EHPAD dans lequel des personnes âgées vivent leurs derniers instants de vie dans la solitude morale et la détresse physique la plus cruelle. Et de tout l’album, aucun moment n’offre de souffle salvateur, cette apnée se tirant sur trente-deux minutes éprouvantes, le corps essayant de regagner la surface alors que l’esprit a déjà compris que l’issue serait fatale. « A Cleansing Burst of Solar Fire » suggère quelques breaks fameux de NEUROSIS, ce que « Cosmic Mass » confirme de ses percussions tribales surprenantes. Mais pas d’équivoque, ici, tout n’est que névrose, analyse du désespoir face à une réalité de fond inévitable et tangible, et le groupe met un point d’horreur à terminer son effort par le pachydermique « Swine Lord », aux accents psychédéliques acides et à la wah-wah perverse.

Sortir un tel album le 1er janvier, un lendemain de fête est vraiment une déclaration d’intention. Mais cette lenteur obsédante permet justement de se mettre au diapason d’une année qui commence bien mal, et d’en anticiper peut-être les évènements les plus funestes à venir.

  

chi va piano va sano va lontano

  

            

Titres de l’album:

01. Leeches

02. Hospice

03. Narcissist

04. Dull Care Slain

05. Awaken

06. A Cleansing Burst of Solar Fire

07. Cosmic Mass

08. Swine Lord


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 06/07/2021 à 14:19
80 %    546

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Antropofago + Dismo + Markarth

RBD 16/01/2025

Live Report

Sélection Metalnews 2024 !

Jus de cadavre 01/01/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : MONOLITHE

Jus de cadavre 15/12/2024

Vidéos

Corentin Charbonnier : l'anthropologue du Metal

mortne2001 09/12/2024

Interview

CARCARIASS + Guests

Simony 06/12/2024

Live Report

FALLING IN REVERSE + HOLLYWOOD UNDEAD

Chief Rebel Angel 06/12/2024

Live Report

Lezard'Os Metal Fest 2024

Simony 02/12/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : STILLE VOLK

Jus de cadavre 01/12/2024

Vidéos
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Chazz

Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)

17/01/2025, 22:44

Bill BAroud

Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !

17/01/2025, 17:03

Humungus

Le coup de la goutte de résine, ça va me faire la soirée...

17/01/2025, 16:52

senior canardo

2 sisters 1 cup ! haha joli pochette

17/01/2025, 10:02

Seb

J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.

16/01/2025, 18:21

MorbidOM

Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène. 

16/01/2025, 12:15

Jus de cadavre

Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.

16/01/2025, 10:22

Simony

Merci Styx je transmets à notre expert informatique.

15/01/2025, 15:53

Simony

Merci Styx je transmets à notre expert informatique.

15/01/2025, 15:53

Styx

Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)

15/01/2025, 12:58

Incroyable album

Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)

14/01/2025, 09:27

Humungus

Qui a dit que l'on n'était jamais content ?!

13/01/2025, 08:36

Humungus

Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.

13/01/2025, 08:36

Capsf1team

Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête. 

13/01/2025, 07:59

Simony

Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)

12/01/2025, 17:38

Humungus

Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)

12/01/2025, 14:27

Benstard

Litany la claque a l'époque. Ce son de grosse caisse du futur.

11/01/2025, 13:35

Buck Dancer

Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.

11/01/2025, 12:16

Capsf1team

Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)

10/01/2025, 09:12

RBD

J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)

09/01/2025, 19:49