Voilà une biographie qui me plaît : succincte, percutante, et largement suffisante.

Groupe de Death/Thrash/Black Metal fondé en 2019 par le guitariste Nestor Ledesma et le batteur Rafael Carranza, qui avait besoin d’un bassiste et d’un chanteur extrêmes pour satisfaire ses ambitions sonores. C’est ainsi que Charlie Zambrano s’est pointé, et le reste, c’est de l’histoire…

HORRID SIGHT ne s’embarrasse donc pas de principes et ne rédige pas sa propre hagiographie pour appâter le chaland. Pourtant, ce trio démoniaque mériterait sans doute des paragraphes descriptifs entiers, tant sa musique est brutale, technique, extrême et alléchante. Après deux EP’s, le trio s‘est donc enfin fendu d’un longue-durée, qui n’est que le prolongement de ses deux moyens-formats antérieurs. A savoir, un Death/Thrash méchamment evil, perturbé du bulbe rachidien, mais aussi précis et précieux que les plus nobles représentants du genre. En résumé, on vous rentre dans le lard, mais on le fait avec style.

Le Mexique, terre fertile pour tous les marsouins portés sur la violence musicale a donc une fois de plus accouché d’un monstre qui dès ses premières dents, pousse des hurlements bien méchants. Evil Made Flesh, comme son titre l’indique, est donc un gros démon devenu entité physique, qui vient vous brûler les arpions et remettre en cause votre foi. Mais à vrai dire la seule foi qui compte ici est celle placée en ce grand cornu très à l’aise dans son époque de catastrophes et de disette, et qui se réjouit de récupérer des milliards d’âme dans un futur assez proche.

HORRID SIGHT se veut donc le porte-parole de temps maudits, annonçant les catastrophes à venir avec un flair imparable. Le panache dont font preuve les musiciens n’est pas sans rappeler les cadors du genre, les DEATH, CYNIC, ATHEIST, NILE, MORBID ANGEL, DEMOLITION HAMMER, INCUBUS, SADUS, avec cette petite touche Core qui évite les répétitions trop flagrantes. Et entre folie partagée et démonstration de force, ce premier album se pose-là, et laisse des séquelles évidentes. A titre d’avertissement, « Evil Made Flesh » nous écrase le thorax et concasse nos pauvres os, nous laissant comme une poupée de chiffon jetée dans une décharge publique.

L’équilibre est une chose importante lorsqu’on prône des valeurs de crossover, et celui trouvé par HORRID SIGHT est tout simplement parfait. Les éléments s’imbriquent en toute logique, et l’inspiration est plurielle, entre GORGUTS, PESTILENCE, DEICIDE et tous ceux désirant insuffler un peu de sophistication à leur boucan blasphématoire.

Immédiatement, le jeu de Nestor Ledesma fascine. L’homme lâche des interventions solitaires époustouflantes de dextérité, et se permet des arpèges très précis qui accentuent le malaise. On décèle même des influences hispaniques dans son jeu, et lorsque lui et Charlie Zambrano revisitent l’Espagne de concert, ça nous donne une boucherie fine comme « World of Slime », petit chef d’œuvre de six minutes et quelques qui exige des écoutes répétées.

Des moyens, de l’ambition, un champ d‘action élargi, pour une réussite totale. Inutile de tergiverser, Evil Made Flesh est sans conteste l’album de Death/Thrash de cette fin d’année 2022 pourtant chargée en cadeaux tardifs. Entre nostalgie nineties et production actuelle (signée par le groupe lui-même), HORRID SIGHT se montre terriblement à l’aise dans son créneau, et ne  reste pas le cul coincé entre deux chaises. La musicalité de l’ensemble n’atténue en rien sa brutalité, même si de nombreux passages mélodiques et souples permettent des transitions très coulées.

Ainsi, « Transitory Wealth » bénéficie des bons soins d’un break placé pile là où il faut, mais tressaillit aussi d’un tapis de blasts à la SUFFOCATION/MORBID ANGEL. On se montre admiratif d’un tel travail, qui permet à chaque morceau d’affirmer sa propre personnalité. Entre intro inquiétante, et harmonies distillées par une basse grondante, le choix des plans est vaste, et la redite reste au placard. Etonnant lorsqu’on connaît les limites restrictives d‘un genre aussi exigeant, mais il est certain que le trio mexicain a toujours le bon réflexe pour se sortir d’éventuelles impasses.  

« Infested Land », grosse tranche de finesse emballée dans un papier ensanglanté, à la limite d’un Techno-Death ineffable, « Dark Hallucination », coup de boule mortel qui vous laisse sur le carreau, et « Somber Dust » comme épiphanie finale entre harmonies amères et pesanteur moite, tout est bon, et on se laisse happer par un disque d’une envergure enviable qui n’hésite pas à mettre en avant ses nombreuses qualités.

Très loin du Death/Thrash nostalgique qui se contente de racler les fonds de tiroir, HORRID SIGHT joue l’esthétique dans la décadence, et signe un premier album parfait, durant juste assez longtemps, et contenant un lot impressionnant d’idées.

Certainement une vision d’horreur (comme cette superbe pochette soignée par Bolsa), et un Styx que l’on franchit avec précaution, de peur d’éventuellement revenir à une vie morne et terne.

Titres de l’album :

01. Evil Made Flesh  

02. Sunk Ship

03. World of Slime    

04. Transitory Wealth

05. Even Want          

06. Infested Land     

07. Dark Hallucination          

08. Somber Dust

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