Les préjugés ont la vie dure. Lorsque les deux termes « Power Metal » et « Allemagne » sont utilisés dans la même phrase, j’imagine des choses. Des mecs fins bourrés dans un bar qui parlent de leur passion pour le Metal des années 80, la veste maculée de badges et de patches cousus main. Des cosplayers habillés façon Tolkien, devisant sur leur auteur préféré et élaborant des scénarii pour alimenter leurs fantasmes. Des gus se prenant pour des pirates, avec bandeau sur l’œil et perroquet sur l’épaule, plus proches de LA COMPAGNIE CREOLE que de Jack Sparrow. Enfin, tout un tas de clichés ridicules qui ne m’honorent pas. Mais on ne se refait pas, n’est-il point ?

VOODOO KISS pourrait rentrer dans une de ces cases. Mais formé en 1995, et comprenant dans ses rangs pas moins de trois membres originaux, le combo de l'arrondissement d'Ostalb peut prétendre à une crédibilité qui manque parfois à certains de ses homologues. Mais eu égard à un nom qui brouille les pistes, et à une classification pour le moins exagérée, VOODOO KISS s’apparente plus à un énième Heavy Metal act en bonne et due forme, avec riffs classiques et chant fédérateur.

Mettons les pieds dans le plat une bonne fois pour toutes, le quintet (Gerrit Mutz - chant, Steffi Stuber - chant, Martin Beuther - guitare, Klaus Wieland - basse et Achim Ostertag - batterie) ne fait pas partie des mets les plus fins du menu. Son Metal grossier et rudimentaire rappelle les jeunes années Noise, et leur attitude rustre suggère quelques accointances avec les légendes que sont RUNNING WILD, GRAVE DIGGER, et autres amateurs de malt, de houblon, de clous et de chaînes.

Bon.

Ceci étant dit, on peut être simple et honnête. On peut être peu exigeant mais doué. Et Feel the Curse est indéniablement l’œuvre de musiciens vraiment investis dans leur cause, et croyant dur comme fer que l’acier est le rempart contre toute agression. Abordant la problématique Metal par le bout rigolard de la lorgnette, les personnages de ce dessin animé nostalgique ne sont dotés d’aucun superpouvoir, mais savent dérider le plus déprimé des spectateurs. « Dr. Evil » pourrait d’ailleurs surgir d’un vieil épisode des Looney Tunes, et si les trois premiers morceaux de Feel the Curse sont aussi uniformes que trois gendarmes côte à côte, un léger changement intervient à mi-parcours pour essayer de changer d’ambiance.

Et c’est assez bien vu.

Puisque « Lords Of Darkness » ajoute de la mélodie à la virilité ambiante. En même temps, avec la présence d’une chanteuse dans le line-up, il eut été indélicat de la cantonner à un simple rôle de figurante. Steffi Stuber prend donc son envol et allège un peu le lest de cette montgolfière survolant le territoire allemand comme le faisaient les zeppelins fut un temps. D’ailleurs, le groupe lui-même ne tarit pas d’éloges sur la combinaison Gerrit Mutz/Steffi Stuber, en abordant le cas très simple du hit « On Wings Of Serpent Dreams » :

Quoi qu'il en soit, je n'arrive pas à me sortir ce foutu truc de la tête depuis des semaines, haha. Mais « accrocheur » ne signifie pas toujours « ringard » ! C'est un banger accrocheur avec des riffs gras, des mélodies rondes et des paroles qui rentrent au cœur du contenu relativement complexe du concept en quelques mots seulement.   

Selon moi, Steffi et moi harmonisons particulièrement bien sur cette chanson. Mais l’incroyable solo de guitare de Martin mérite également d’être mentionné !     

Sans savoir si vous partagerez l’enthousiasme de Gerrit, il vous faudra reconnaitre que ce morceau fait partie des plus catchy d’un album un peu trop linéaire. Avec une bio succincte qui cite MANOWAR, MAIDEN, ou encore MOTORHEAD (il y avait une promotion sur les « m » visiblement), VOODOO KISS s’en tire avec les honneurs, mais obtient son diplôme sans mention. La comparaison avec MAIDEN est à garder pour la bonne bouche de ces tierces historiques, quant à MOTORHEAD et MANOWAR, leur citation à comparaitre est totalement injustifiée, tant le quintet évite la vitesse et le soulevé/jeté un peu trop démonstratif.

Non, Feel the Curse reste un sympathique exercice de style Hard n’Heavy, comme seuls les allemands savent encore en rédiger. Pas désagréable mais rapidement oublié, ce deuxième album est bien moins cartoonesque que sa pochette ne le laissait suggérer, et s’extirpe de son propre marasme via un final dynamité à la NWOBHM (« Dead Without A Grave », qui décolle enfin et qui prouve que le groupe a les moyens d’être moins conventionnel).

On invoquera diverses raisons à cette absence de distinction, à la lassitude d’un chant monocorde et faussement théâtral, au manque de culot d’une guitare trop près du réchaud, et à l’utilisation de mélodies si passe-partout que toutes les portes de la maison s’ouvrent en même temps. Pas totalement rebutant, mais pas vraiment stimulant, Feel the Curse est une malédiction bien anodine, pas plus dangereuse qu’une carte lambda de jeu de rôles.

Vous reprendrez bien une kronenpils ?

Titres de l’album:

01. Feel The Curse

02. Angel Demon

03. Spellbound By Her Eyes

04. Dr. Evil

05. Lords Of Darkness

06. Kiss Or Kill

07. On Wings Of Serpent Dreams

08. Dead Without A Grave

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