Il est certain que l’époque n’est pas à la gaieté ou l’espoir, mais je dois admettre qu’Oddleif Stensland est allé puiser au fond de son désespoir de quoi alimenter la machine à lucidité qu’est ce sixième album de COMMUNIC. Inspiré par la situation catastrophique dans laquelle se trouve notre planète aujourd’hui, Hiding from the World donne effectivement envie de jouer les ermites et de se trouver une cabane au fin fond des bois norvégiens pour finir ses pauvres jours. D’un autre côté, le trio respecte la ligne de conduite tracée depuis ses débuts, et propose une nouvelle fois une œuvre qui va demander des mois de dissection aux fans pour être appréciée pleinement. Clairement à part sur la scène Progressive - et même la scène Progressive nordique, l’une des plus étranges et libres - COMMUNIC a toujours eu de faux airs de secret enfoui qu’on se transmet de génération en génération depuis 2003. Car même après cinq albums studio ayant tous obtenu le succès critique qu’ils méritaient, le groupe a encore beaucoup de choses à dire, et de la beauté à mettre en musique. Seulement trois ans après le déjà presque parfait Where Echoes Gather, Oddleif revient avec sa guitare et sa voix, toujours accompagné par Erik Mortensen à la basse et Tor Atle Andersen à la batterie (le même line-up depuis dix-sept ans, la performance se salue), pour nous offrir une heure pleine de musique extraordinaire, en convergence des styles, pour développer des arguments tenant autant du Power Metal que du Heavy progressif, le tout sous couvert d’une puissance phénoménale et d’une science exacte des harmonies. Et il est toujours aussi complexe de situer le groupe par rapport à ses contemporains, même si quelques sites se risquent à citer des noms, ceux de NEVERMORE, SANCTUARY, FATES WARNING, MANTICORA, PAGAN’S MIND, CONCEPTION ou THRESHOLD, ce qui n’aiguille pas forcément sur la bonne piste. Et pour cause, cette piste est unique, et ce sixième effort le confirme de ses pas de géant.
COMMUNIC se définit lui-même sur son site officiel comme un trio de Power Thrash progressif, ce qui laisse le champ libre à bon nombre d’interprétations et de possibilités. Mais en écoutant un morceau aussi sensible et fin que « Hiding From The World », comment ne pas se persuader que le groupe pourrait être le fils caché de SANCTUARY et OPETH, élevé en Norvège et bercé au son du folklore local ? En neuf minutes et quelques secondes, ce morceau prouve s’il en était encore besoin que les originaires de Kristiansand sont les maîtres en leur propre terrain, que personne n’ose fouler de peur de souffrir défavorablement de la comparaison. L’album, léché mais sauvage, bénéficie d’une production à la hauteur de ses ambitions, rendant la guitare si énorme que la basse doit gronder pour se faire entendre, alors même que les lignes de chant gardent cette fragilité typiquement nordique, spécialement sur les passages en son clair, d’une pureté incroyable. Mais la beauté se cache aussi dans la violence la plus avouée, et l’ouverture « Plunder Of Thoughts » ne lésine pas sur les watts pour nous mettre au parfum dès ses premières mesures. Avec un tempo à la MEGADETH des jours de pluie, COMMUNIC se laisse aller à son goût pour le Power Metal très corsé à l’américaine, lâche même quelques blasts surprenants au passage, tandis que le timbre lyrique de Stensland créé un décalage avec l’instrumental, pour souligner encore plus la singularité du crossover. Power Metal progressif symphonique et lyrique ? COMMUNIC se dispense très bien d’étiquettes de ce genre, et se contente de composer la musique la plus accrocheuse possible sans renoncer à ses prétentions techniques. Et c’est en tendant l’oreille sur la précision des riffs et le millimétré de la batterie qu’on se rend compte que ces trois-là font partie du haut du panier, tout en essayant de dissimuler leur dextérité sous une épaisse couche de puissance.
Et avec un seul segment sous la barre des sept minutes (si l’on met de côté l’intermède « Soon To Be »), Hiding from the World se montre aussi difficile d’approche que ses prédécesseurs, impliquant de nombreuses écoutes pour en saisir tous les détails. Tout y passe, les arpèges dramatiques et les ambiances éthérées, les climats confinés par le froid hivernal, les harmonies héritées du Folk norvégien, et un titre aussi sublime que « My Temple Of Pride » résume à merveille les intentions du trio. Avec son entame découpée dans les cordes calmes d’une guitare apaisée, sa reprise soudaine utilisant très intelligemment les courts silences, sa partie de double grosse caisse répétée à la demi-croche près, cette chanson est une merveille de sensibilité, démontrant que le groupe n’est pas qu’une machine à embrayage automatique. Capable de rappeler le meilleur OPETH tout en lui damant le pion de ses trouvailles toujours surprenantes, COMMUNIC a depuis longtemps trouvé son identité, entre Thrash vraiment accrocheur et Metal progressif de haute volée, et lorsque les trois musiciens décident de faire chauffer les turbines, le résultat ne se fait pas attendre et nous enflamme les pavillons, avec en exergue le terrassant « Face In The Crowd », sans aucun doute le faux hit d’un album qui conchie la facilité.
Alors que la plupart des groupes évoluant dans le créneau choisissent de s’en remettre à des automatismes flagrants et des recettes éculées depuis l’invention de la sauce au beurre blanc, les trois norvégiens continuent d’explorer tous les recoins du Metal, ne laissant aucun ingrédient sur la table, tout en obtenant un rendu incroyable de flair. Et lorsque l’auditeur finit par tomber sur le long et évolutif « Born Without A Heart », il est déjà conquis depuis longtemps, mais continue de lui-même à s’enfoncer dans l’admiration et le respect. On sait pourtant à quel point l’exercice du titre épique est complexe, mais une fois encore, COMMUNIC joue la magie de son dosage, et suit un fil conducteur logique. Ces mélodies qui prédominent, ce chant qui rappelle le passé et qui pleure sur l’avenir, cette guitare volubile, et ces soudaines crises de colère toutes justifiées transforment Hiding from the World en mausolée d’un monde en perdition, dans lequel les hommes viennent encore prier. Et si « Forgotten » vient conclure l’album, n’y voyez aucun hasard. Oddleif Stensland souligne une fois encore de ses litanies le futur peu enviable qui nous attend, et le fait que l’humanité ne sera bientôt plus qu’un ancien souvenir. Certes, COMMUNIC ne prend pas de risques au regard de ses performances passées, mais son art état un risque en lui-même sur la scène actuelle, on ne peut guère lui reprocher de continuer à faire ce qu’il fait à la perfection. Et avec ce sixième album, la perfection est justement atteinte, ce qui risque de demander des efforts incroyables à l’avenir. Si tant est que cet avenir existe vraiment.
Titres de l’album:
01. Plunder Of Thoughts
02. Hiding From The World
03. My Temple Of Pride
04. Face In The Crowd
05. Born Without A Heart
06. Scavengers Await
07. Soon To Be
08. Forgotten
J'avoue avoir délibérément censuré cette information de premier choix... ... ...
26/05/2025, 07:32
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Si ce qu'il dit est vrai c'est quand même bien bas comme méthode de "licenciement", surtout venant d'un groupe qui prône ouverture, tolérance et respect à longueur de show (ironiquement par sa propre voix en plus...).
21/05/2025, 17:13
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21/05/2025, 07:33
Euh... si cet uploading particulier ne date que de 2 semaines, le morceau a, quant à lui, été dévoilé le 30 janvier dernier ! (Bon morceau au passage !)
20/05/2025, 22:13
Yes, c'est en cours de rédaction. Au camping, nous n'avons pas été impacté par l'orage, pas de dégâts en tout cas.Merci à toi de t'être présenté à moi, c'est toujours cool de croiser des pa(...)
17/05/2025, 18:12