Chaque époque a la musique qu’elle mérite, ou plutôt : la musique qui la décrit le mieux. On pourrait passer des heures à gloser sur la Pop souriante du début des années 60 se prenant les crachats du Punk de 77 sur la gueule, et s’échouant finalement dans un rictus Grunge quelques bonnes années plus tard. De fait, comment définir la musique qui colle le mieux à cette année 2022 merdique, qui succède à une année 2021 pathétique, elle-même enchaînant une année 2020 tragique ?
Simple. Une musique puissante, énergique, chaotique, en réminiscence des périodes les plus violentes de l’histoire, entre la froideur calculée des SUICIDE et la description new-yorkaise dégueulasse des UNSANE. Et peut-être même qu’en ajoutant à cela le chaos ingérable des BREACH suédois, le résultat sera encore plus proche d’une vérité acceptée par tous. Et loin de nous rendre heureux, ce constat nous laisse inconsolables.
Evidemment, c’est le titre du premier album des parisiens de LUGOSi, entre majuscules et minuscule, entre pointillés et ligne droite de rage, comme si les guitares de l’écurie Dischord se lâchaient sur une rythmique au rendement optimal. Hardcore, le quintet l’est, par obligation d’urgence, mais il est aussi Metal, pour cette épaisseur dans les riffs, et cette constance dans la violence. Et en fin de compte, au-delà de la querelle des genres, affirmons simplement que ce groupe est un pur produit de son époque catastrophique, et qu’il s’exprime au nom de milliers d’enragés qui ne supportent plus qu’on se foute de leur gueule.
Alors, les raisons sont légion, et bonnes. Ciel sans avenir ni oiseaux ni végétation, exécution en peloton du pouvoir d’achat, monde du travail sans cesse en compétition avec lui-même, chômage et capitalisme galopant, pénurie de moutarde, d’essence et bien sûr, d’optimisme face à une élite qui se moque bien de ce qui se passe dans les tréfonds des villes. Cette ambiance, durement restituée dès l’ouverture de « Pigs », laisse exsangue, et confronte la froideur mécanique de FUGAZI et la dureté de ton des REFUSED. D’ailleurs, LUGOSi partage plus d’une option avec les légendaires anarchistes suédois, ne serait-ce qu’en termes de puissance et de fluidité dans l’écho bruyant.
Pour un premier album, Inconsolable est incroyablement mature. Les guitares ont des opinions tranchées, la section rythmique est ferme dans sa frappe et son accompagnement, et le chant est digne des plus grands hurlements du Hardcore moderne. Enrobé dans une production sèche comme un coup du sort, l’album déroule ses pistes, sans marquer d’autre pause que celle offerte par le title-track, intermède Ambient et éthéré qui nous extirpe quelques secondes de la réalité.
Le discours étant compact et homogène, il est difficile d’en extraire des passages démonstratifs et des segments percutants. On pourra bien évidemment au niveau des ambitions citer le diptyque « The Naked King », long, orageux et destructeur, ou bien, par pure subjectivité, « I Wish », sorte de vœu pieux sans étoile filante pour un avenir sinon meilleur, du moins plus rapide dans l’agonie.
Les raccourcis les plus pratiques compareront les parisiens, ensemble depuis 2015 au REFUSED de The Shape of Punk to Come. C’est en partie vrai, mais pas que, et le reste est aussi important. Disons pour ne froisser personne que les parisiens aiment BLACK FLAG, HUSKER DÜ, DILLINGER ESCAPE PLAN, CANDIRIA, et beaucoup d’autres rebelles musicaux contemplant leurs temps avec un regard critique acerbe mais juste. Il faut dire que LUGOSi nous en fait voir de tous les monochromes. Le quintet lui-même a du mal à situer sa démarche, et nous opterons pour un consensus : Inconsolable distille un Hardcore de premier ordre.
Deux labels se partagent la distribution de l’album, entre la France et la Belgique, et des noms comme METZ, COMITY viennent à l’esprit, l’album français étant condamné à réussir sur son propre territoire, mais aussi en Europe, prête à admettre que l’âge d’or est bien terminé, pour peu qu’il ait vraiment existé.
Ce disque est indispensable, il est viscéral, il expose ses doutes, ses craintes et ses tripes en plein jour. Il sonne juste parce qu’il est honnête, et joué à bride abattue par des musiciens qui ne sont plus dupes depuis longtemps. Il ne vous rendra pas inconsolable, c’est un fait. Plutôt méchamment énervé, prêt à casser quelques mâchoires, tordre le coup à pas mal d’idées reçues, et flanquer une rouste aux extrêmes.
Une partie, la revanche, et je laisse la belle à LUGOSi
Titres de l’album :
01. Pigs
02. Holy Daze
03. Blame it on the Weak
04. The Naked King, Part 1
05. State of Emergency
06. (inconsolable)
07. I Wish
08. The Naked King, Part 2
09. The Falling Man
10. Maskenfreiheit
Effectivement difficile de rester insensible à ce type de festival, à taille humaine, avec une ambiance conviviale sans tomber dans la cour des miracles et surtout avec une bell prog’. Très content d’avoir découvert Gravekvlt et pris la mandale attendue de (...)
02/06/2025, 23:00
Excellent report ! J'y étais. C'était purement génial. Dans le même style, tout aussi excellent, le Courts Of Chaos fut aussi un fantastique moment.
01/06/2025, 19:36
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31/05/2025, 21:53
Ah ah ce message d'au revoir est magnifique"Je dois y aller maintenant… chercher un boulot et jouer à Roblox avec mon fils…"
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30/05/2025, 09:39
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J'avoue avoir délibérément censuré cette information de premier choix... ... ...
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23/05/2025, 19:55
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22/05/2025, 17:52