Fans de Tolkien, êtes-vous dans la place ? Parfait puisque je tiens à vous présenter une bande d’illuminés Canadiens au moins aussi obsédés que vous, sinon plus…
Mais en lisant l’intitulé de cette chronique, vous aurez déjà deviné que les trois musiciens en question semblent avoir été légèrement choqués par l’œuvre de l’auteur le plus célèbre de l’Heroic-Fantasy, puisque avec un patronyme évoquant ces délicates petites créatures peuplant la terre du Milieu, le doute n’est pas vraiment permis. Si l’on ajoute une évocation de Sauron, corrompu par Morgoth dont il devient le plus puissant serviteur, et ennemi public du roman de Tolkien, le tableau est complet, et les obsessions claires et listées. Mais après tout, les BARROW WIGHT sont des gens honnêtes et ne cachent pas leur passion pour cette épopée grandiose…Là où les choses se compliquent, c’est qu’ils illustrent cette fascination par une musique aux antipodes de la grandiloquence du roman, musique qui en effet vient piocher dans les fondements du Metal et du Thrash son essence profonde, et qui se révèle beaucoup plus primaire que la profusion de détails luxuriants de l’œuvre de l’auteur dont ils se réclament.
Mais ce qu’il faut savoir, ce que le trio BARROW WIGHT a d’autres héros, beaucoup plus concrets et à l’humour bien plus paillard, puisque aux origines de sa création, le trio Canadien n’était rien de plus qu’un tribute band à VENOM, ce qu’un simple coup d’œil à leur logo suffit à confirmer en quelques secondes. D’ailleurs, sur les photos promo, les trois animaux de l’étrange rustique singent les postures de Cronos, Mantas et Abaddon, ce qui là aussi, confirme que leur direction musicale, quoique plus personnelle, ne s’est pas franchement affranchie de l’influence de leurs idoles.
Et après deux démos et un EP, Antero Wight (Destroyer Bass and Black Speech, Battle plans), Akiva (Metal Fingered Doom) et Elf Ripper (Hammers from Hell) se sont enfin lancés dans l’exercice du longue durée, avec une demi-heure à passer en leur compagnie tout au long des dix morceaux de ce Kings in Saurons Service, qui fait plus que loucher sur la période charnière de la naissance du Thrash/Death/Black européen.
Est-ce un mal d’admettre ses influences ? Que nenni, surtout lorsque cet état de fait découle sur l’enregistrement d’un LP très honnête et foncièrement brutal et basique. Et si Andrew/Antero reste le seul membre stable de la formation, les changements ne se ressentent que très peu, puisque la direction artistique du combo reste inchangée ou presque depuis ses débuts.
Sorte de proto Thrash/Black bien troussé, Kings in Saurons Service accumule les moments de bravoure, et imite à merveille les tics de VENOM et autres HELLHAMMER du début des années 80, parvenant même en de nombreuses occurrences à retrouver leur approche primaire qui nous hérissait tant les poils sur la tête. La voix d’Andrew est parfois troublante de mimétisme, et évoque les intonations sarcastiques de Cronos, tout autant que les tics ténébreux de Tom Warrior dans ces harangues de fin de couplets qui hument bon les « Woo ! » éructés avec une véhémence faussement sexy par l’ancien leader de HELLHAMMER.
En disséminant de çà et là quelques clins d’œil à peine déguisés dans les titres de leurs morceaux («No Sleep Till Gondor », salut Lemmy, « In League With Sauron », bonjour VENOM), et en mélangeant les effets sci-fi cheap à une relecture presque intégrale du répertoire de Mantas et compagnie sur le même « In League With Sauron », les BARROW WIGHT affichent la couleur, mais y apportent leur touche personnelle, comme ce break très progressif seventies sur le même morceau qui nous réjouit d’un orgue Hammond très enfumé.
Mais mis à part ces quelques digressions plus ou moins inhabituelles dans le style, le reste du dossier est d’une simplicité se voulant claire et outrancière. D’ailleurs, dès le premier morceau « No Sleep Till Grondor », les débats ne s’éternisent pas inutilement, et les riffs très anglais, dilués dans une atmosphère occulte assez ludique ne trompent personne. L’unique but des trois Canadiens est donc de s’éclater au son d’une musique des origines, et rien d’autre. VENOM, la NWOBHM, HELLHAMMER, CELTIC FROST, une petite touche MOTORHEAD pour le glaçage du cake, et vogue la galère.
Mais l’enthousiasme dont font preuve ces trois trublions est assez contagieux. On se prend assez rapidement au jeu, ayant le sentiment d’écouter un vieux vinyle des années 80, qui anticiperait par projection les débordements macabres des Suisses (« Osgiliath », véritable calque du « Massacra » d’Apocalyptic Raids), et qui ferait écho à la doublette Welcome To Hell/Black Metal des démons de Newcastle (« Harrower Of The Dark », à la production digne d’une démo, mais délicieuse…)
Un peu d’ambition n’ayant jamais fait de mal à personne, Kings in Saurons Service se termine sur une longue suite plus ou moins progressive, «The Palantir », qui rappelle les délires de grandeur de VENOM lorsqu’il lâchait à la face d’un monde hébété son grand œuvre At War With Satan, avec cette emphase gauche qui tombait souvent dans le grotesque. Mais les Canadiens s’en tirent beaucoup mieux dans l’effort, et saignent une compo épique dont les accents harmoniques renforcent la barbarie primaire de fond. Arrangements venteux, notes dispensées avec pertinence et soudaines poussées de brutalité, c’est un épilogue assez intéressant qui prouve que les trois originaires de la capitale Ottawa en ont peut-être plus sous le coude que l’on pensait.
Simple, radical, sous influence mais sans le cacher, ce premier album de BARROW WIGHT est une petite surprise que l’on découvre en solitaire, et qui nous ramène plus de trente ans en arrière. Aussi à l’aise dans leur Proto Black rapide que dans les insistances Heavy lourdes et glauques (« Grond », synthèse digne du terrifiant «Triumph Of Death » de qui-vous-savez-Warrior), ce trio attachant a su faire fructifier les enseignements de ses mentors pour développer son monde à lui, sorte de terre du milieu entre la rive gauche du Black embryonnaire et la terre de droite du Thrash encore en gestation.
Rien ne garantit qu’ils n’ont pas déjà avec cet album épuisé le filon, mais attendons de les voir progresser l’anneau à la main.
Nous verrons bien si le Mordor les happe dans ses ténèbres où s’ils parviennent à sauver le monde.
Titres de l'album:
Voyage au centre de la scène : Dans le secret des dieux / Interview Sylvain Bégot
Jus de cadavre 01/09/2024
Voyage au centre de la scène : Le Metal français des années 80' / Seconde partie
Jus de cadavre 10/06/2024
Bonjour Trooper Je viens de lire ton commentaire Peut-être on se connait puisque je suis un des protagonistes de cet album et donc de Cour Cheverny Dans l'attente
08/09/2024, 22:29
J’étais passé à côté comme un gland et ça fait un bien fou de les retrouver en bonne forme.
08/09/2024, 20:10
J'ai apprécié ce que j'ai écouté. Achat de l'album fait. A voir dans la durée.
08/09/2024, 19:52
Quelle banalité, c'est vraiment du pilotage automatique et peu/pas inspiré.
07/09/2024, 20:42
Bah honnêtement c'est plutôt une réussite.De toute façon pas difficile que de faire mieux que le dernier voir les derniers, j'ai lâché après le troisième
07/09/2024, 17:07
Les deux morceaux en écoute sont plutôt bon et, surtout, le retour du growl, pinaise !!! Événement métal de l'année 2024 , devant Gojira aux JO ! ( Bon, j'espère que ce sera pas seulement sur un morceau....)
07/09/2024, 10:39
je retiens le final du groupe mexicain C.A.R.N.E. ( cli d'oeil à Depraved des débuts?) :-)
06/09/2024, 13:32
Un groupe qui a beaucoup compté pour moi à une époque, une bien triste nouvelle en effet !
05/09/2024, 01:56
Groupe dont je continue encore de découvrir la riche discographie, mais il y a beaucoup, beaucoup d'excellents albums pour moi ! Grosse perte...
04/09/2024, 20:24
Triste nouvelle ! Grand groupe qu'Abigor (même si j'ai surtout écouté la première partie de la discographie du groupe) ! J'espère au moins que sa mort lui aura apporté ce qu'il recherchait... RIP
04/09/2024, 20:00
Très bon podcast en effet, je ne me souviens plus comment je l'ai découvert. Je n'ai pas toujours les mêmes points de vue que les principaux intervenants sur tels groupes et tels albums classiques, dans la mesure où nous n'avons pas exactement les mê(...)
04/09/2024, 15:07
Merde ! Tous les premiers disques sont excellents, notamment grâce à ses riffs tellement différents des autres groupes. J'avais perdu l'intérêt pour le groupe après "channeling" et suis retombé dedans avec les deniers efforts, tou(...)
04/09/2024, 07:55
J'ai quelques camarades qui y sont allés mais je n'ai pas encore eu de récit complet, merci ! En tout cas je sais qu'eux aussi ne sont pas fans des performances non musicales du festival ni des déguisements, vous vous entendriez. Je ne sais pas comm(...)
03/09/2024, 11:13
Très bon podcast Le secret des dieux, découvert grâce à Vs-Greg d'ailleurs :)
03/09/2024, 01:14
@LeMoustre Il s'agit de James Brown notamment https://www.truemetal.it/heavy-metal-news/triumph-of-death-interview-tom-g-warrior-1136131
03/09/2024, 01:13