Induit en erreur par les brumes du réveil, je me suis dit en découvrant cette sortie, « tiens, chouette, un nouvel album de JUGGERNAUT, ils ont du se reformer suite à la réédition de leurs deux premiers albums en 2019 ». Mais le réveil est souvent cruel, et cette news ne concernait pas le groupe mythique de San Antonio au Texas et responsable du séminal Baptism Under Fire, mais bien le JUGGERNAUT brésilien, déjà auteur de deux longue-durée assez remarqués dans l’underground Thrash. Tant pis pour la légende, mais tant mieux pour la qualité, puisque ce troisième chapitre des aventures lusophones des originaires de Blumenau à Santa Catarina vaut son pesant de technique et d’approche roublarde. Formés en 2005 et auteurs d’un premier long l’année suivante, Lines of the Edge, ces JUGGERNAUT-là sont aussi des esthètes dans leur genre, proposant une philosophie tirant sur le Techno-Thrash pas encore totalement assumé, mais concret dans les faits. Encore indépendant, le groupe cherche donc un label et diffuse entre temps sa musique sur les plateformes légales, et neuf ans après son dernier témoignage Ground Zero Conflict - et alors qu’on le croyait étalé pour le compte - il s’en revient nous compter bourrin sur fond de Thrash très malin. Ainsi font-font-font les petites majorettes, et le lancer de bâton est la spécialité de ces quatre brésiliens qui s’y entendent comme personne pour mélanger la brutalité la plus viscérale du Death et la préciosité instrumentale du Thrash.
Célio Jr (guitare, ex-RHESTUS), Fabricio Duwe (basse, ex-INFEKTUS (live), COSMIC SOUL, ex-BEDLAM, ex-CEREBRAL CANNIBAL, ex-FATAL ENCARNAD, ex-ANAL VOMITATION), Cicero (chant, ex-OVERTHRASH, ex-INFEKTUS (live), TERROR, ex-FUZILADOR) et Alefer Reinert (batterie, COSMIC SOUL, ex-FUZILADOR, ex-REGGRETY) sont donc des gens qui se connaissent très bien pour évoluer dans les mêmes structures, et si Célio Jr reste le seul membre d’origine encore à la barre, il a su réunir une équipe formée à l’exercice et affutée dans tous les secteurs de jeu. Musicalement, les brésiliens sont toujours aussi performants, et ont mis à contribution les neuf années passées dans le silence le plus complet pour peaufiner leur retour dans les moindres détails. Et c’est sans doute pour cette raison que ce troisième album incarne déjà l’acmé de leur longue carrière, avec son cocktail revigorant de brutalité sourde et de finesse technique. Dans les faits, JUGGERNAUT pourrait s’apparenter à un gigantesque melting-pot entre la rudesse de HEXX, la fourberie du DEATH des années 90, période Human, et la fluidité d’un EXODUS au sommet de sa forme, même si des relents de NOCTURNUS, ou d’ATHEIST peuvent parfois se faire sentir, sans que le quatuor ne pousse les choses à leur paroxysme d’élitisme. Ici, le Thrash est joué avec moult heurts rythmiques, cassures et autres reprises, mais n’a aucunement perdu de son caractère outrancier, ce qui permet d’apprécier des performances individuelles assez notables dans un contexte de brutalité ouverte.
L’essentiel de l’optique du groupe est admirablement bien résumée par le morceau d’entame « TerrorISIS Squad », qui en moins de cinq minutes aligne un nombre conséquent de plans et d’idées, et qui rappelle méchamment l’historique Piece Of Time d’ATHEIST pour cette sècheresse de ton. Au premier plan, les riffs incroyables tissés par Célio Jr, toujours puissants mais coulants et mouvants, et surtout, le jeu de batterie hallucinant de précision et de diversité d’Alefer Reinert, qui d’ailleurs rappelle légèrement la frappe de Sean Reinert dans ses moments les plus intenses. La combinaison des deux instrumentistes, parfaitement soutenus par les lignes en circonvolution de Fabricio Duwe, marche à plein régime, et nous ramène à l’époque glorieuse du Techno-Thrash des deux continents, fusionnant la rage allemande au formalisme brutal américain pour obtenir le mélange le plus corsé et fin à la fois. En maître de cérémonie, Cicero nous harcèle de ses lignes de chant rauques et inflexibles, et le tout relève le niveau d’une production Thrash old-school empêtrée dans ses références les plus évidentes, oubliant par là même un pan entier de l‘histoire de cette musique incroyable. Alors, de fil en aiguille et de breaks en contretemps, on se souvient d’exercices de style à la DEATHROW, HOLY MOSES, mais le ton ici est beaucoup plus dur et moins expérimental, et c’est vraiment l’image du Schuldiner des nineties qui vient à l’esprit.
Avec des titres qui ne s’éternisent pas, mais qui en quatre minutes offrent plus de surprises que des albums entiers, JUGGERNAUT nous caresse dans le sens des cheveux, et livre une prestation impressionnante, se laissant parfois aller le temps d’une intro à des numéros de funambule (« Hollow Surface »), mais restant la plupart du temps dans des balises d’équilibre entre mélodie jazzy et énergie purement Death/Thrash. Moins élaboré, l’exercice pourrait ressembler à du DEMOLITION HAMMER domestiqué, mais heureusement pour nous, le résultat en est très éloigné et plus enrichissant. Comme une démonstration permanente de dextérité au service de la bestialité, La Bestia est à l’image de son artwork, sublime d’ailleurs, et fonce bille en tête tout en conduisant ce train infernal avec beaucoup de précautions. Pas question de dérailler ici, les musiciens sont trop aguerris pour ça, et si de temps à autres, les thèmes rebondissent de wagon en wagon, l’impression générale est si intense qu’on excuse ces rares fautes d’originalité.
On atteint même parfois les sommets de violence à l’occasion du title-track qui accentue encore plus la pression avec un surplus de charbon, mais le groupe sait désamorcer les situations les plus tendues et dramatiques en reprenant à son compte la scie radiophonique eighties des STARSHIP, « We Built This City », travestie ici en hit Heavy Thrash beaucoup moins lénifiant que l’original. Petit moment de détente avant de se quitter, l’idée est bonne, mais l’impression qui reste est celle d’un groupe redoutable aux desseins précis, et JUGGERNAUT nous offre avec La Bestia le meilleur album de Techno-Thrash empreint de Death de l’année 2020, voire de la décennie passée.
Titres de l’album:
01. TerrorISIS Squad
02. Puppets Of Society
03. Hollow Surface
04. Man Of a Thousand Faces
05. Human Template
06. Useless Generation
07. La Bestia
08. We Built This City (STARSHIP Cover)
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@Ivan : la scène metal est un ehpad géant, aucun intérêt de suivre de vieux grigous qui sucrent les fraises.
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