Fêtons le retour d’un groupe qui a pris son temps pour se lancer, mais qui depuis son premier album n’a pas relâché ses efforts. TONY TEARS est certainement l’un des groupes italiens les plus emblématiques de la scène Dark/Doom/Epic, et chacune de ses œuvres est disséquée comme il se doit par un public de passionnés, le même public qui a porté LE ORME aux nues et a érigé en l’honneur de DEATH SS quelques statues. Chantre d’un Rock dur particulièrement créatif, TONY TEARS est toujours le véhicule artistique d’Antonio Polidori, fidèle à son unique poste depuis la fin des années 80 alors que son projet s’appelait encore ANTHONY TEARS.
Pour sa première rentrée chez I, Voidhanger, TONY TEARS ne devait pas louper la marche. Le label italien est exigeant, et son écurie repose sur des pur-sang qui placent l’originalité au-dessus de toute autre vertu cardinale. Mais Antonio n’avait pas grand souci à se faire, sa créature ayant toujours revêtu des habits d’apparat pour mieux parader parmi les animaux les plus originaux de la scène Metal. C’est donc une année à peine après Pains que le groupe revient, avec un line-up solide et un concept album « à mi-chemin entre un pacte magique et la recherche de la perfection karmique de l’âme ». Programme pour le moins ambitieux, qui se matérialise sous la forme de dix morceaux, une longue suite progressive sombre comme on les aime, et qui combine l’impact du Heavy Metal, la pénombre de l’Occult Rock, la pression du proto-Doom et l’envergure du Progressif à l’italienne, l’un des plus fertiles qui soient.
La Société des Éternels est un grimoire ouvert par une créature cornue au regard fixe, et ses pages sont remplies d’incantations, de litanies, d’homélies, de légendes obscures, et de formules aux effets inconnus. Autour de Tony se greffent ses disciples musiciens, Fulvio « Flux » Parisi (claviers), Gianni « Coroner » Queirolo (batterie), Artorias (basse/guitare acoustique), David Krieg (voix masculine et textes), Sandra Silver (voix féminine) et Daniele Donini (« directeur magique »). Une communauté aux desseins ténébreux, à l’osmose patente et aux désirs similaires : créer un univers étrange à la manière d‘un film auditif pour flatter dans le sens des poils les amateurs de la Hammer, les fanas de gialli, les amoureux de Paul CHAIN et ANTONIUS REX, et plus généralement, ceux qu’un Heavy Metal délicatement passéiste charme sans effort.
Pourtant, le groupe en fait beaucoup pour s‘assurer des faveurs de ses aficionado. D’abord, et comme à son habitude, en travaillant le son pour qu’il conserve cette patine analogique seventies dont le groupe a besoin. Ensuite, en empruntant aux Folk ses harmonies doubles et ses guitares claires. Puis, en travaillant ses compositions afin qu’elles ressemblent à des hymnes de barde qu’on se transmet de génération en génération. S’il n’y avait cette batterie puissante et précise, l’immersion serait totale, et le voyage dans le temps encore plus crédible.
Mais loin des gimmicks, La Società degli Eterni s’épanouit dans son propre concept, et se nourrit de ses propres aventures. Evoquant parfois un SISTERS OF MERCY médiéval ou un FIELDS OF THE NEPHILIM bucolique, ce nouvel album est un gigantesque hommage rendu à la scène italienne, que la jeune génération découvre avec pas mal d’années de retard. Alors que le Progressif anglais et son voisin français sont reconnus depuis longtemps, l’Italie a dû patienter pour que ses groupes bénéficient de la même admiration, alors même que l’inspiration de la scène trouvait ses origines dans le Classique national et l’Opéra.
Toutefois, TONY TEARS est aussi Metal qu’il n’est Progressif. C’est justement cet entre-deux parfait qui lui permet de se montrer persuasif, même si certains trouveront que les idées se suivent et se ressemblent un peu. Mais c’est la maigre dime à payer pour profiter d’une œuvre cohérente, hors du temps, qui parvient à réconcilier les genres et à transcender les clivages. Ainsi, « Serpents of the Great Change » sinue comme un serpent et bénéficie des services d’un solo typiquement 70’s, de même que des arrangements de la même époque.
TONY TEARS n’hésite jamais à utiliser des sons de flûte, de vieux piano, tout en tissant des strates de riffs qui tirent parfois sur un Power Metal régressif, avec un « Rage of Unsaid Words » énergique et électrique. Beaucoup d’efforts sont consentis pour que chaque chapitre ait sa propre couleur, bien qu’elles soient toutes sombres, entre rouge sang et noir de cendres.
Le chant sentencieux de David Krieg, grave, théâtral et dramatique permet de prendre ses distances avec la référence CANDLEMASS, bien qu’Epicus Doomicus Metallicus partage quelques points communs avec cet album. Même emphase, même dérivations oniriques, même paysage maudit, pour un voyage immersif dans les contes à l’italienne.
Si le spectre sonore est couvert dans les grandes largeurs, certains morceaux profitent de quelques espaces négatifs pour respirer et grandir en nous, comme le processionnel « La Strana Casa », étrange et inquiétant, insistant et hypnotique, et évidemment, déviant et évolutif. Un long plan séquence sur un riff unique, avant que la machine ne se mette en branle pour dérouler une fin plus épique, mais toute aussi puissante. On peut même y sentir la plume des nineties lorsque les syncopes s’invitent au banquet, ce qui a le don de varier encore plus les plaisirs.
En bon conteur qui se respecte, TONY TEARS termine sa narration par deux segments longs et envoutants. Le morceau éponyme d’abord, tout en watts et en plaintes de guitare, puis « Old Souls », dont l’âme est aussi vieille que celle de Mathusalem. Les connaisseurs apprécieront d’ailleurs cette reprise d’un thème de Phantom of the Paradise, transfiguré et presque christique.
Impressionnant de constater qu’une année suffit à ce groupe pour se réinventer. TONY TEARS est certes productif, mais aussi inventif. L’Italie peut être fière de ses enfants, qui pérennisent l’héritage des années 70 les plus occultes, et des eighties ne l’étant pas moins. Rideau, pourpre évidemment, et profitez du spectacle. Mais surtout, ne vous levez pas avant le générique de fin, sous peine de manquer deux ou trois formules magiques.
Titres de l’album:
01. Spirits of the Oath
02. Lost Souls in the Pit of Corruption
03. Angemon
04. The World Is the Game of the Dead
05. Serpents of the Great Change
06. Rage of Unsaid Words
07. Liturgy of the Smell
08. La Strana Casa
09. La Società degli Eterni
10. Old Souls
Pour moi, par ordre décroissant préférentiel, ce sera :Massacra - Enjoy the ViolenceMercyless - Abject OfferingsLoudblast - Disincarnate
23/04/2025, 12:56
Allez, mon top 3 français des années 90: Massacra - Signs of the Decline Mercyless - Abject OfferingsLoudblast - Sublime Dementia
23/04/2025, 08:42
Je rajoute une couche avec l'album d'Anialator sorti en fin d'année dernière. Je l'ai beaucoup écouté et l'écoute encore avec plaisir.
22/04/2025, 19:35
Plus fan de Massacra que de Loudblast perso, même si je possède les deux premiers albums du groupe.
22/04/2025, 19:34
De mon côté j'ai toujours eu du respect pour le groupe même si ce n'est pas ma génération, je n'étais pas né quand ils se lançaient... Donc ils ne m'ont pas marqué comme ils ont pu le faire avec leurs fans de la prem(...)
22/04/2025, 17:35
Pour moi Loudblast, ce sont des suiveurs avec un bon train de retard sur ce qui se fait à chaque époque et Clearcut fait partie de cela... Bref, je ne suis pas très client de leurs albums, on m'avait chanté les louanges de Burial Ground, je me suis ennuyé..(...)
22/04/2025, 16:04
@RBD : ton dernier paragraphe est plein de vérité. Quant au pseudo DPD je préfère le laisser croire ce qu'il veut. Vu comment il écrit, il a pas dû encore sortir de l'école. J'encourage néanmoins les thr(...)
22/04/2025, 13:35
@Tourista : tu t'es trompé, la news sur les 40 ans de Loublast, c'est plus haut
21/04/2025, 20:53
Le Metal est parfois sur le fil du rasoir de la beauferie... Voire tombe carrément dedans.
21/04/2025, 11:45
Vidéo vue, merci.De mon côté, je préfère le son de Sublime à celui de Disincarnate et c'est aussi le style de death que j'affectionne. Bien lourd, posé et mid tempo tout en étant agressif. Par exemple, c'est pour cela qu(...)
20/04/2025, 18:02
Comme je le dis dans la vidéo, leur sommet c'est Desincarnate. Puis The Burial Ground. Je suis moins fan de Sublime.
20/04/2025, 14:08
Pour moi Loudblast c'est surtout Sublime Dementia et Cross the Threshold. (Quand à la vidéo je ne manquerai pas de la regarder ce soir).
20/04/2025, 12:45
Si je comprends, cette charge allait contre cette part non négligeable du public Metal qui reste bloquée aux groupes de leur jeunesse mais ont cessé de se tenir au courant dès qu'ils ont reçu des responsabilités (premier travail, première rela(...)
19/04/2025, 14:36
J'écrit comme un enfant de 5 ans ici et je dois encore ajouter des précisions, imagine le truc, peut-être que l'Ehpad c'est metalnews au final. Combien de personnes postent depuis leur lit de mort ici ?Le metal généraliste c'est d&eacut(...)
19/04/2025, 09:13
J'ai pas tenu 30 s...J'imagine qu'ils seront sur la mainstage au HELLFEST en juin prochain non ?
19/04/2025, 08:38