Vous me direz que chacun a sa propre conception de l’hospitalité, mais moi, des gredins qui m’accueillent avec des chignoles géantes et un chalumeau ont tout de suite toute ma sympathie, et ma confiance. Comment ne pas se sentir en sécurité avec des mecs si portés sur le bricolage et la soudure? Car CHAINSAW, c’est un peu Bricomarché délocalisé en plein cœur de l’enfer, mais un enfer sympathique, avec des files de caisse interminables, et des caddies qui ne roulent pas droit.
Avec en cadeau bonus, des speakers qui crachent un Black/Thrash de première classe.
CHAINSAW nous avait manqué, n’ayons pas peur de le dire. Alors que la carrière du chien fou avait enfin débuté discographiquement en 2014, dix-sept ans après sa naissance, pour mieux rebondir sur la caravane qui passait en 2017, le silence et l’absence de jappements se faisaient inquiétants. 2024 ramène donc le sale clébard devant le portail, avec les crocs plus luisants que jamais. La bave aux lèvres, le mastodonte boulotte donc le facteur, l’assistante sociale, et le pauvre voisin venu emprunter une perceuse à percussion.
Bien fait.
La Grèce serre donc de nouveau les fesses, en voyant débarquer tout de cuir flanqués Necropervert (guitare/chant), Witchkiller (basse) et Nuctemeron (batterie). Et il y a de quoi avoir les miquettes, puisque avec une dizaine de nouveaux titres dans la housse, le trio barbare a largement de quoi imposer la terreur d’une musique toujours aussi extrême et respectueuse des codes eighties.
Il existe deux écoles du Black/Thrash. La première, brésilienne et plus généralement sud-américaine, brouillonne, peu portée sur la régularité et encore moins sur le solfège. Ensuite, l’européenne, pas plus classe, mais déjà plus carrée, et consciente des enjeux à dépasser. Et en tant que descendants logiques de FLAMES et HOBBS’ ANGEL OF DEATH, les CHAINSAW charcutent donc dans les grandes largeurs, vous percent un deuxième trou de balle, et vous réchauffent les balloches à la flamme moyenâgeuse.
Ô finesse ennemie, encaisse et rend la monnaie. Les grecs n’ont toujours pas appris la politesse, et entament ce nouveau périple à bride abattue. « Mentor Of The Tormentor », gonflé d’un riff aussi circulaire que la scie qui trône sur l’établi nous percute de plein fouet, et laisse de vilaines plaies sur la tronche. Aussi méchant et puant qu’un vieux BULLDOZER de fosse septique, hargneux d’un refrain à reprendre les fourchettes dans les yeux, ce premier bourre-pif est plus efficace qu’une cure de Cif enfoncé dans l’oignon.
Mais en dépit d’une apparence négligée et d’un répertoire fasciné par le grand cornu au pantalon constamment baissé, CHAINSAW fait toujours preuve de flair au moment d’offrir ses riffs les plus solides, qui ont en outre le privilège de se voir sublimer par des soli totalement hystériques et possédés. L’ambiance est donc chaude comme la braise, les saucisses se regroupent comme des chibres en pleine baise, et les convives de loucher sur la bidoche en tapant du pied comme des mioches moches.
Si ce premier morceau vous a conquis, alors le reste ne sera qu’une formalité. Les grecs ne sont pas du genre à se compliquer la vie, et se contentent de varier légèrement du tempo pour ne pas paraître trop lourdaud. Mais la tambouille est savoureuse, avec ses petits accents DESTRUCTION/SODOM/SARCOFAGO, et son parfum italien des années 80.
La sauce prend donc immédiatement, d’autant que le chant de Necropervert est toujours aussi lubrique et rocailleux. Mais l’homme des cavernes a une certaine éducation musicale qui l’empêche de servir un brouet indigeste en lieu et place d’un bon ragoût, et sa mise en place précise et touffue a de quoi satisfaire tous les maniaques de cimetières mal gardés.
On imagine sans peine le frontman en train de besogner le cadavre encore faisandé d’une pauvre chèvre qui de son vivant n’avait pas songé au don d’organes, mais qui s’agite post-mortem sous les soubresauts de « Burn His Corpse » et « Boiling Cauldron ». Et comme tout doit se finir dans la bonne humeur de terreur, on se met tête bêche et on prend les pis qu’on lèche, pour un 69 en bonne et due forme (« Death By 69 », limite Thrashcore, mais tout le monde est d’accord, et surtout le jeune SODOM).
Jouant comme si leur vie en dépendait, les musiciens donnent tout, et s’autorisent même des allusions Punk à l’éternel MOTORHEAD, via « Cry Blood », Rock n’Thrash, et qui sent très mauvais des pieds.
En abordant chaque morceau comme l’hymne qu’il se doit d’être, CHAINSAW se montre disert et stable dans la qualité. Ainsi, l’étendard « Satan », title-track qui suinte de tous les pores se pose en acmé d’un disque sale et méchant, mais suffisamment peaufiné pour ne pas nous prendre pour des grenouilles de bénitier.
Injectant juste ce qu’il faut de mélodies et de folie pour produire un travail en panier garni, Satan est le type même de disque qu’on s’avale d’un trait, avant de lâcher un énorme rot bien musclé. « Amok », lapidaire, « The Dead Watch You », plus pervers que pépère, et « Full of Evil », final en mid tempo qui reprend très vite le taureau par les cornes, garantissent un au-revoir satisfait, et la fin d’une soirée décidément très enjouée.
Après tout, il semblerait que Dieu n’en ait pas grand-chose à branler de notre condition de plus en plus fragile. Alors autant se tourner vers Satan pour bien s’éclater avant que la planète n’en fasse de même.
Titres de l'album :
01. Mentor Of The Tormentor
02. Burn His Corpse
03. Boiling Cauldron
04. Death By 69
05. Cry Blood
06. Satan
07. Go For The Throat
08. Amok
09. The Dead Watch you
10. Full Of Evil
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