Difficile de considérer les groupes extrêmes japonais avec des oreilles occidentales sans avoir les tympans interloqués. Et si les fans de J-Metal sont depuis longtemps habitués à ces sonorités mélangeant mélodies traditionnelles et rythmiques de l’ouest, les néophytes ont beaucoup plus de mal avec cette théâtralité nationale qui parfois, semble un peu surjouée, mais qui finalement, est profondément ancrée dans la tradition japonaise de lyrisme exacerbé. Ainsi, les LEOPARDEATH font partie de cette nouvelle scène Death japonaise, qui dans le fond se sert des principes séculaires du mouvement scandinave, y incluant des pistes vocales découlant librement de la mouvance J-Pop des années 80, lorsque le pays commençait à comprendre les rouages du star-system, quelques années avant d’ériger de jeunes femmes au rang d’idols, les couvrant de cadeaux et autres attentions particulières. Mais sans vouloir jouer les historiens musicaux de fortune, autant avouer que je suis rodé depuis longtemps à l’exercice de l’analyse exotique, et que ce premier véritable album des originaires de Sapporo ne m’a guère surpris de son contenu, assez fidèle aux préceptes appliqués au pays du soleil levant. Fondé en 2008, ce collectif bigarré aux couleurs chamarrées est assez représentatif de l’école japonaise de la violence. Monté par deux camarades de classe (Masahiro - guitare et Masayoshi - guitare/chant), le combo a d’abord taillé ses canines sur scène, avant de devoir jeter l’éponge pour cause de désaffection de ses membres. Ce n’est qu’en 2015 qu’il reprit ses activités, avec l’adjonction au chant de la jolie Purple, puis d’Arata à la basse quelques temps plus tard. Un premier EP vit donc le jour pour célébrer cette remise sur les rails, Re :Boot en 2015, qui sonna le signal du (re)départ, avant que le groupe, tradition oblige, ne cède à la mode locale de la vidéo live pour présenter son look et sa nouvelle formation. Et c’est donc quatre ans plus tard que le quintet (avec Hayato à la batterie) entérine enfin son retour avec un premier longue-durée, ce Setsugetsufuuka dont je serais bien incapable de vous traduire le titre.
Comme pour bon nombre de groupes japonais, le look compte donc autant que la musique, mais cette musique, loin d’être désagréable, reste assez formelle dans le fond, avec toujours en exergue ce mélange de Death moderne et éminemment rythmique, et ces envolées vocales féminines assez Alt Rock, ce qui aboutit à un cocktail assez séduisant, quoique fort peu novateur. L’équation pourrait être simple d’un point de vue réducteur, et l’analyse du patronyme des japonais pourrait nous donner une sorte de raccourci entre les DEF LEPPARD et DEATH, et si cette analogie reste assez incongrue, elle n’en garde pas moins un fond de sens, puisque les onze pistes proposées se veulent aussi puissantes que mélodiques, un peu comme si les scènes J-Metal et J-Death s’unissaient dans un même élan de créativité. LEOPARDEATH ne cherche donc pas l’originalité à tout prix, mais plutôt l’efficacité, et pour banaliser le propos, nous pourrions voir en Setsugetsufuuka un subtil mélange de SOILWORK, AT THE GATES, THEATRE OF TRAGEDY et le mouvement agressif national de l’est, ce que ces rythmiques omniprésentes et furieuses confirment de leur régularité. La méthode est d’usage, couplets sur fond de riffs velus mais millimétrés, et refrains qui explosent au son des arabesques d’une chanteuse aux aspirations lyriques, sans tomber dans le piège du Symphonico-Death qui aurait pu se montrer rébarbatif. Mais si sur quelques morceaux, l’approche se veut efficace, elle finit par lasser de sa prévisibilité, puisque parvenu à mi-album, on a déjà la sensation de connaître la fin, les titres s’enchaînant en respectant exactement le même cheminement et les mêmes principes de construction. Certes, c’est terriblement bien joué, très professionnel, mais il manque ce petit grain de folie que certains groupes nationaux parviennent à injecter à leur musique, et la désagréable sensation d’écouter une version personnelle de Slaughter of the Soul repris à leur compte par des musiciens japonais s’incruste dans les neurones, ce qui a le don de gâcher le plaisir et d’occulter les qualités intrinsèques du groupe. Pas encore au point de croire à une Tarja d’Osaka venue tester sa voix sur les côtes suédoises, mais pas loin, bien que le timbre de la poupée Purple sache rester raisonnable.
Ce qui compte le plus dans ce style, c’est la démesure et les excès en tout genre, et c’est justement ce qui fait défaut à Setsugetsufuuka, trop raisonnable dans le fond pour vraiment stimuler l’imagination. Les chansons sont bien foutues, certaines se laissent écouter avec plaisir, déclenchant même parfois un début de headbanging (spécialement lorsque l’ambiance se tamise pour devenir plus Heavy, sur l’efficace « Diva of Moon », pouvant même suggérer une union entre NIGHTWISH et IN FLAMES), mais malheureusement, l’uniformité nuit à l’efficacité, sauf lorsque le groupe sort enfin de ses gonds pour accélérer les débats et verser dans l’ultraviolence matinée d’innocence juvénile vocale à la limite de l’hystérie (« Koubou No Kanata », suffisamment emballé pour être apprécié, avec enfin un agacement vocal féminin qui nous éloigne des considérations d’opéra pour ados énamourés). Niveau riffs, nous restons à la surface de la création, avec toujours ces saccades obligatoires, cette précision à la demi-croche près, et la rythmique, propulsive mais désespérément traditionnelle ne fait qu’appuyer le côté générique de cette sortie, qui semble toutefois à mi-parcours comprendre que la brutalité ne fait pas tout, et que la modulation est aussi une composante essentielle. C’est à ce moment-là que nous avons droit à des choses moins prévisibles, comme cette jolie ballade « Oborozuki », qui allège un peu la pression et ose des mélodies moins faciles et une construction subtilement évanescente. La voix de Purple, alors moins engoncée dans les travers mélodiques habituels s’envole, comme la guitare qui nous sert un solo convaincant, alors que ses arpèges discrets permettent à la basse de se faire une jolie place.
Mais la fin de l’album semble faire fi de cet aparté délicat pour appuyer encore plus sur la véhémence, sortant la batterie de blasts pour paraître encore plus méchant (« Darkness and Respond », convenu mais persuasif, avec enfin un relâchement qui fait plaisir), avant de terminer sa course comme il l’avait commencée. La dualité de voix féminine/masculine fait le job, mais pas plus, les growls étant encore un peu timides, les riffs restant interchangeables, le bilan atteint la moyenne au regard de la qualité générale et du professionnalisme, mais la déception reste de taille, car on sent le groupe capable d’aller beaucoup plus loin et de transcender ces figures encore un peu trop imposées. Il est assez rare de dire à un groupe japonais qu’il n’en fait pas assez, mais Setsugetsufuuka est décidément trop raisonnable pour persuader, mais trop carré pour être rejeté.
Titres de l’album :
1. 舞風
2. 花嵐
3. Beacon of Counterattack
4. 憧憬転生
5. 催涙雨
6. Diva of moon
7. 光芒の奏多
8. 朧月
9. 浅春の候
10. Darkness and Respond
11. 黙示録
Ce groupe est une pépite. Je reste encore sous le choc de The Crowning Quietus par exemple !
10/07/2025, 08:38
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@Ivan : la scène metal est un ehpad géant, aucun intérêt de suivre de vieux grigous qui sucrent les fraises.
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@DPD : on te vois beaucoup t'attaquer aux groupes de croulants mais on ne te vois jamais la ramener sur tes groupes du moment, ce que tu aimes ou les groupes qu'il faut désormais en lieu et place de ces formations vieillissantes que tu dénonces tant...
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@Jus de cadavreGenre ils on payés les frais de déplacement et l'hôtel, me fait pas rire, les enfoirés part 2. Au moins le juif Patrick Bruel tiens debout.
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