Summoning the Circle

Obscenity

07/12/2018

Apostasy Records

Je ne suis pas certain que les groupes de Death les plus connus, lorsqu’ils ont entamé leur carrière, pensaient être encore là trente ans après leurs débuts. Et bien que je n’aime pas penser à la place des principaux concernés, je peux extrapoler quant à leur espérance de survie, et imaginer qu’ils ne souhaitaient rien de plus qu’enregistrer au moins un album et faire une tournée professionnelle, avant de repartir vers des horizons plus classiques. Il est vrai que le style extrême ne permettait pas des projections temporelles à long terme, se contentant de répéter ad nauseam les mêmes recettes que tout le monde avait assimilées depuis les premiers efforts du cru. Et pourtant, 2019 sera l’occasion de célébrer les trois décennies d’existence d’un des combos les plus symptomatiques de la vague européenne bouchère, puisque Summoning the Circle, dixième album des allemands d’OBSCENITY sera suivi d’une tournée qui soufflera les trente bougies du groupe. Fondé en 1989 du côté d’Oldenburg, le quintette aura connu des hauts et des bas, aura traversé des épreuves, connu quelques ajustements de personnel, mais reste fidèle au poste, et surtout, fidèle à une éthique Death l’empêchant de tomber dans les travers d’un modernisme à outrance et d’un opportunisme déplacé, sans tomber dans la problématique du chien qui se mord la queue, même si sa discographie reste d’une cohérence exemplaire. Mais cohérence ne rime pas forcément avec redondance, et fanatisme ne s’accorde pas toujours avec statisme, et c’est remontés comme des pendules que les musiciens germains nous en sont revenus en fin d’année 2018 avec leur dixième pamphlet, toujours aussi fondu de sonorités morbides et d’à-coups mortels. Quelles sont donc les nouveautés à attendre de ces lascars qui incarnèrent en leur temps l’avant-garde de l’extrême allemand ? Musicalement, les surprises ne seront pas légion, et c’est plus dans le fond que dans la forme que les ajustements se font ressentir.

D’abord, niveau casting, le groupe a accueilli deux nouvelles figures, et pas des moindres. Ainsi, le micro a été repris par Manuel Siewert (DECEMBER FLOWER), tandis que le rôle de bassiste échoit désormais à David Speckmann (BURIAL VAULT), deux bleusailles qui se retrouvent donc à tailler la route aux côtés des vétérans Hendrik Bruns (guitare), Sascha Knust (batterie) et Christoph Weerts (guitare). Enregistré au Soundlodge Studio (ANVIL, GOD DETHRONED, DEW-SCENTED), Summoning the Circle a bénéficié des soins de Joerg Uken, mais aussi de ceux du guitariste Christoph Weerts dans son propre local, alors que le mixage et les mastering ont été peaufinés par Christoph Brandes dans son propre Iguana Studio (NECROPHAGIST, SPHERON, MALADIE). Du travail de pros donc entre vieilles connaissances, et un résultat qui évidemment se hisse tout en haut de l’échelle Death mondiale, ce qui n’est pas vraiment étonnant au jugé du pedigree des musiciens impliqués qui commencent à connaitre leur boulot sur le bout des moignons. Nous retrouvons donc ces effluves de Death à l’Européenne, prônant des théories de violence permanente et de lourdeur oppressante, mais surtout, une finesse dans l’excès, et de la technique dans la débauche, technique qui se manifeste souvent dans des changements de rythme et des soli travaillés, ce qui permet à ce dixième chapitre d’occuper une place de choix dans l’œuvre globale des allemands. S’il est toujours difficile de commenter un travail que tout le monde devinera à priori sans l’avoir écouté, du fait de son classicisme et de son respect des dogmes passionnels, il n’est au contraire pas vraiment dur de l’apprécier en tant que tranche de vie d’une légende qui sait rester à la hauteur, et nous satisfaire d’année en année à défaut de nous provoquer ou nous bousculer. Pas vraiment de culot dans ces neuf nouvelles compositions, mais de l’efficacité, celle d’un groupe qui sait ce qu’il veut et qui sait comment l’obtenir, et plus prosaïquement, un paquet de riffs qui tournent en boucle, qui changent soudainement de direction, et une rythmique évolutive s’accordant parfaitement de cette véhémence de fond. Du Death classique ? Oui, mais tellement jouissif qu’on se voit mal faire la fine bouche, d’autant plus que les deux petits nouveaux fêtant leur baptême du feu se sont parfaitement intégrés à la bande.

Si la basse de David Speckmann est très légèrement discernable dans le mix, les nouveaux grognements sourds de Manuel Siewert sont parfaitement en place, permettant à la musique des allemands de gagner en profondeur, mais aussi en clarté, puisque les lignes vocales du nouveau plantigrade en poste sont parfaitement en phase avec l’optique choisie, et bénéficient de l’attention d’une production ample, mais précise dans les fréquences. Et sans vouloir se rapprocher d’un maniérisme perfectionniste à la SUFFOCATION, mais en reniant les facilités primaires d’un MASTER, les OBSCENITY incarnent avec toujours autant d’agressivité une sorte d’entre-deux, plaçant l’instrument en avant sans le glorifier, et caressant la bestialité dans le sens des poils sans lui permettre de prendre le dessus. Un peu à la manière d’un CANNIBAL CORPSE expurgé de tous ses travers Gore, ou d’un DEICIDE beaucoup plus concis et varié dans ses attaques, Summoning the Circle se veut simple état des lieux du Death des années 90 catapulté dans le nouveau siècle, et se satisfait très bien de ses propres progrès, qui valident l’intense production du groupe depuis son premier album, Suffocation Truth, publié en 1992. Intervenant deux ans après Retaliation, et reprenant le droit chemin de la stabilité dans la brutalité, ce nouvel épitre reprend plus ou moins les choses là où Atrophied in Anguish les avait laissées, et rompt avec ces longs silences qui séparaient les sorties depuis Where Sinner Bleed. Et entre 2016 et 2018, OBSCENITY semble avoir retrouvé la formule parfaite d’un Death trempant son inspiration dans la tradition américaine, justifiant donc les quelques ajustements de personnel nécessaires à la rédemption artistique qu’ils semblaient chercher.

Inutile donc de gloser pendant des lignes et des lignes sur la pertinence d’un effort qui se valide de son propre traditionalisme, et qui se contente d’exploiter une formule qui a largement fait ses preuves. Nous l’avons d’ailleurs dès l’entame « Used and Abused », qui après une très courte intro rentre dans le vif du sujet de sa rythmique alternant les aplatissements et les changements de tempo, et casant quelques blasts énervés entre deux accès de rage sur le vibrato. Tout est en place, et le carnage peut donc commencer, un carnage rondement mené, qui ne laisse pas les oreilles en sang, mais qui accélère le palpitant pour nous entraîner vers des déviances brutales fondamentales, mais toujours appréciables. Peu de variations, ou sur le même thème, pour retrouver l’impulsion originelle dopée au son d’une production très actuelle. Et si les quarante minutes se veulent assez linéaires, on apprécie le formalisme ambiant, spécialement lorsque des attaques plus courtes et concises crament tout sur leur passage (« Infernal Warfare », « The Ones Concerned »). Et s’il est impossible de dire si OBSCENITY sera toujours là dans trente ans pour se rappeler à notre bon souvenir, son présent est largement à la hauteur de son passé, et Summoning the Circle de faire honneur à une réputation tout sauf usurpée.

  

Titres de l'album :

                         1.Used and Abused             

                         2.Feasting from the Dead               

                         3.Infernal Warfare              

                         4.Dreadfully Embraced                  

                         5.Scourge of Humanity                   

                         6.Torment for the Living                

                         7.Invocation Obscure                      

                         8.The Ones Concerned                   

                         9.Let Her Bleed

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par mortne2001 le 23/02/2019 à 14:27
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Très bon album avec 3/4 titres vraiment excellent et un bon niveau global.Quelques Slayeries comme sur Trigger Discipline mais rien de méchant. D'autant que le titre Gun Without Groom est vraiment terrible, en effet. Un très bon cru

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DPD

Pour moi je vois c'est l'équivalent que de voir 2pac en hologramme (qui était homosexuel), peut-être même pire parce que l'illusion tiens mieux le coup, je reste sur cette position.

08/07/2025, 22:44