J’aime bien quand on me propose quelque chose de différent. Quand un groupe s’éloigne un peu des sentiers battus pour éviter la route de la nostalgie, le chemin de la facilité, le tracé des influences évidentes. Tiens, par exemple, les VENOMENON. J’ai trouvé trace de leur premier LP sur un Vk purement Thrash, et je n’en attendais benoitement que…du Thrash. Mais lorsque mes (plus si) délicates oreilles se sont posées sur « Crystal Spectre », j’ai vite compris que j’avais affaire à quelque chose d’un peu moins évident qu’une énième resucée des boules magiques de James Hetfield, Tom Araya ou Schmier. Deux choses auraient pu me mettre sur la voie. D’abord, la provenance géographique du combo en question, le Canada, pays réputé pour ses chercheurs avant-gardistes et autres légataires universels du génie de VOÏVOD. D’autre part, la bio même du trio, prônant des valeurs de « Heavy Music » et non de Trash pur et dur. Et finalement, malgré le côté un peu racoleur de l’accroche, le groupe n’en a point trop fait. Les VENOMENON jouent en effet une musique bien Heavy, à la croisée des chemins, et qu’un chroniqueur lambda aurait bien du mal à cataloguer. Légèrement psychédélique sur les bords sans renoncer à ses aspects les plus véhéments, souple mais bien rigide lorsque le tempo monte d’un cran, l’optique des montréalais est plurielle, et finalement, s’apparente à un croisement étrange de Heavy classique, de Stoner, de Thrash, un peu comme si les BARONESS, KYUSS, CORROSION OF CONFORMITY, VOÏVOD et les HELLACOPTERS se rejoignaient pour élaborer un plan finaud à base de changements d’humeur et autres variations de température. Et croyez-moi, loin d’être déstabilisante, la sensation est plus qu’agréable. Mieux : trépidante et fraîche.
Fondé en 2009, ce power-trio dans le sens le plus noble du terme (Jordan Barillaro - guitare/chant, Pietro Giampa - batterie et Scott Stephens - basse) a longuement pris son temps avant de sortir ce premier long, passant par la classique étape de la démo (Too Fast for Time en 2010), puis par la case nécessaire du EP (Ossuary en 2010 aussi), avant de se murer dans un silence étrange pendant près d’une décennie et revenir plus fort que jamais avec ce Sweating Under My Skin. N’admettant aucune influence, le trio préfère énumérer quelques premières parties fameuses effectuées durant sa carrière en ouverture de KILL DEVIN HILL, ANVIL, CASTLE, SKELETONWITCH pour mettre en avant son expérience, et je ne peux que leur donner raison ; leur musique parle d’elle-même et se différencie de la masse non par des gimmicks mais par une intelligence de composition assez bluffante. Sans tomber dans les excès d’un BLIND ILLUSION qui parvenait à faire croire que le Thrash était né dans les seventies, les trois canadiens nous offrent une autre possibilité, celle de penser que le Thrash et le Stoner sont des genres amenés à cohabiter depuis leurs origines, assertion plus qu’originale. Au final, on ne sait pas trop à quoi nous avons affaire, les morceaux passant d’une humeur à l’autre, mais bénéficiant tous d’un son très épais et symptomatique du Heavy revival de ces dernières années. Une sorte de Heavy Metal joué avec la hargne du Thrash, mais la foi classique du Heavy pataud, pour aboutir à une mixture étonnamment équilibrée. Les prémices ne sont même pas nécessaires, le groupe entrant dans le vif du sujet dès le single introductif « Crystal Spectre », à l’intro Moog ne faisant pas grand mystère d’accointances psychédéliques. Mais le psychédélisme n’empêche pas les guitares de sonner bien épaisses et de lâcher un lick méchamment redondant, un peu comme si DEEP PURPLE avait prédit en 1976 les riffs à venir de DOWN et de QUEENS OF THE STONE AGE…Bizarre ? Oui un peu, mais performant, convaincant, et surtout, diablement entraînant.
Et pour être totalement franc, l’argument Thrash ne se formalise que par petites touches, et au regard de la puissance dont fait preuve le combo. En mettant de côté le plus symptomatique « Rabid » et sa rythmique caractéristique, le reste s’apparente plus à un Heavy joué Hard, truffé de boogie, de rythmiques entraînantes, de riffs syncopés ou déliés, abandonnant parfois toute narration linéaire pour explorer les méandres d’un passé très éloigné (« Molotov Cocktail Bubble Bath »). On en trouve parfois quelques traces moins fugaces lorsque la machine s‘emballe, mais encore une fois, le style est dénaturé pour se rapprocher d’un Crossover MOTORHEAD/WHITE ZOMBIE, avec voix légèrement geignarde et saccades malicieuses, à l’image de l’obsédant « Bottom Of The Label », qui évoque TANK, ANVIL, RAVEN, et tous les premiers groupes ayant exploré les limites entre Heavy et Power Metal. Power Metal psychédélique ? Oui, mais sans les astuces un peu trop faciles et empestant le patchouli, puisque le but avoué de VENOMENON est plus de faire headbanguer que de faire planer. D’ailleurs, une petite bombe de la puissance de « Crawlspace » est là pour le prouver, avec son mi gratté avec conviction, mais ce genre de morceau à la franchise indéniable reste minoritaire sur Sweating Under My Skin, qui préfère de loin la nuance d’une optique progressive et mélodique. D’ailleurs, le trio nous réserve ses deux plus gros morceaux en fin de parcours, avec le pachydermique « Venerable Haunt », à la mélodie un peu passée et la rythmique appuyée. Le groupe joue en formation serrée, les soli sont épisodiques mais toujours pertinents, mais l’ampleur des morceaux leur permet de couvrir un vaste terrain, apte à satisfaire à peu près tout le monde ou…personne. En effet, la philosophie étrange du combo risque fort de lui mettre ses auditeurs potentiels à dos, ne choisissant jamais clairement son camp entre modernité et nostalgie avouée.
C’est d’autant plus frappant sur l’épilogue « Sweating Under My Skin », de près de huit minutes, évolutif comme une jam des années 70, et plus proche du COC de Deliverance et Blind que de l’EXODUS de Bonded by Blood, malgré une soudaine accélération Crust à rendre fou les TOTALITAR. Mais petit à petit, le coucou fait son nid en s’emparant de celui des autres, et VENOMENON pérennise le legs de VOÏVOD en y ajoutant d’autres influences, devenant de fait l’une des curiosités canadiennes les plus surprenantes de cette décennie. Quelque chose de différent oui, mais quelque chose de viable aussi. C’est ce qu’on attend des groupes qui nous offrent leur musique, et sur ce plan-là, Sweating Under My Skin s’insinue sous votre peau jusqu’à votre cerveau pour le contaminer d’idées bizarres, mais séduisantes.
Titres de l’album :
01.Crystal Spectre
02.Forged In Irony
03.Rabid
04.Don't Bleed On Me
05.Odd
06.Crawlspace
07.Molotov Cocktail Bubble Bath
08.Bottom Of The Label
09.Venerable Haunt
10.Sweating Under My Skin
Pour moi, par ordre décroissant préférentiel, ce sera :Massacra - Enjoy the ViolenceMercyless - Abject OfferingsLoudblast - Disincarnate
23/04/2025, 12:56
Allez, mon top 3 français des années 90: Massacra - Signs of the Decline Mercyless - Abject OfferingsLoudblast - Sublime Dementia
23/04/2025, 08:42
Je rajoute une couche avec l'album d'Anialator sorti en fin d'année dernière. Je l'ai beaucoup écouté et l'écoute encore avec plaisir.
22/04/2025, 19:35
Plus fan de Massacra que de Loudblast perso, même si je possède les deux premiers albums du groupe.
22/04/2025, 19:34
De mon côté j'ai toujours eu du respect pour le groupe même si ce n'est pas ma génération, je n'étais pas né quand ils se lançaient... Donc ils ne m'ont pas marqué comme ils ont pu le faire avec leurs fans de la prem(...)
22/04/2025, 17:35
Pour moi Loudblast, ce sont des suiveurs avec un bon train de retard sur ce qui se fait à chaque époque et Clearcut fait partie de cela... Bref, je ne suis pas très client de leurs albums, on m'avait chanté les louanges de Burial Ground, je me suis ennuyé..(...)
22/04/2025, 16:04
@RBD : ton dernier paragraphe est plein de vérité. Quant au pseudo DPD je préfère le laisser croire ce qu'il veut. Vu comment il écrit, il a pas dû encore sortir de l'école. J'encourage néanmoins les thr(...)
22/04/2025, 13:35
@Tourista : tu t'es trompé, la news sur les 40 ans de Loublast, c'est plus haut
21/04/2025, 20:53
Le Metal est parfois sur le fil du rasoir de la beauferie... Voire tombe carrément dedans.
21/04/2025, 11:45
Vidéo vue, merci.De mon côté, je préfère le son de Sublime à celui de Disincarnate et c'est aussi le style de death que j'affectionne. Bien lourd, posé et mid tempo tout en étant agressif. Par exemple, c'est pour cela qu(...)
20/04/2025, 18:02
Comme je le dis dans la vidéo, leur sommet c'est Desincarnate. Puis The Burial Ground. Je suis moins fan de Sublime.
20/04/2025, 14:08
Pour moi Loudblast c'est surtout Sublime Dementia et Cross the Threshold. (Quand à la vidéo je ne manquerai pas de la regarder ce soir).
20/04/2025, 12:45
Si je comprends, cette charge allait contre cette part non négligeable du public Metal qui reste bloquée aux groupes de leur jeunesse mais ont cessé de se tenir au courant dès qu'ils ont reçu des responsabilités (premier travail, première rela(...)
19/04/2025, 14:36
J'écrit comme un enfant de 5 ans ici et je dois encore ajouter des précisions, imagine le truc, peut-être que l'Ehpad c'est metalnews au final. Combien de personnes postent depuis leur lit de mort ici ?Le metal généraliste c'est d&eacut(...)
19/04/2025, 09:13
J'ai pas tenu 30 s...J'imagine qu'ils seront sur la mainstage au HELLFEST en juin prochain non ?
19/04/2025, 08:38