Groupe originaire de Gjøvik, Norvège, MOONSCAPE est en fait le projet d’un seul homme, Håvard Lunde. Ce musicien omnipotent se cache derrière chaque instrument et chaque composition, et propose depuis quelques années des albums fouillés, documentés, dans un registre de Metal progressif qui n’est pas sans rappeler l’époque Kevin Moore de DREAM THEATER. D’ailleurs, entre AVANTASIA et DT, MOONSCAPE semble trouver ses marques, et propose avec ce troisième longue-durée un nouveau concept, qu’il décline en sept morceaux, dont un single déjà connu de ses fans.

Six ans après Entity, constitué d’une seule piste et influencé par le Crimson de EDGE OF SANITY, trois ans après Entity, Chapter II: Echoes from a Cognitive Dystopia, second chapitre à la hauteur des attentes, Håvard enfile de nouveau tous ses costumes pour nous livrer un concept album, préparé dans les moindres détails, et impliquant une sacrée poignée de personnages, incarnés par des musiciens du froid. Et autant dire qu’une fois encore, l’homme a vu les choses en grand.

Soulignons quelques faits avant d’aller plus en avant. La composition, l’écriture, l’instrumentation, l’enregistrement et quelques chœurs, sans oublier le concept de la pochette ont été pris en charge par le maître de cérémonie, qui affirme une fois encore son indépendance dans un style musical qui d’ordinaire est plus enclin à saluer le travail collectif. Précisons aussi que les nombreux personnages de cette aventure sont incarnés selon la répartition suivante :

Edward Nolan (David Åkesson)

Clément Martins (Drake Chrisdensen)

Joseph Palmer (Ken Mills)

Roderick Graham (Matthew Brown)

Choir Of Mortals (Matthew Brown, Greta Hajduková, Nina Pohleven, Marcela Villarroel, Stefani Keogh et Håvard Lunde)

Nostradamus (Jim Brunaud)

Le reste n’est donc que musique, ambiances, et ambitions concrètes. Les deux premiers albums de MOONSCAPE étaient de précieux indicateurs quant au talent réel d’Håvard Lunde, et The Continuum Synergy en est la preuve finale. L’homme a rassemblé toutes ses forces et plongé la tête la première dans les eaux complexes du concept album, se situant de fait en convergence de nombreux homologues internationaux déjà passés par là. Certes, les deux premiers témoignages étaient aussi de longues histoires, mais The Continuum Synergy semble aller plus loin musicalement parlant. On y retrouve des éléments de Progressif synthétique des années 80, du QUEENSRYCHE de compétition, un brin de fantaisie à la Berklee College of Music, et pas mal de rêverie mélodique entre onirisme et fantasme. En gros, tous les éléments contribuant à faire d’un album une aventure complète en immersion, et une fois happé, il est obligatoire de suivre le guide jusqu’à la sortie.   

Si MOONSCAPE reste un projet viable et Håvard Lunde un artiste remarquable, on ne peut que souligner l’écart qui se creuse encore entre les plus grandes références et ce projet individuel aux contours arrondis. Certes, j’en conviens, l’homme derrière le masque est un sacré guitariste, un bassiste capable et un chanteur honnête, mais MOONSCAPE court loin derrière les cadors pour tenter de se faire une place au soleil des ambitions. On acceptera une production très professionnelle, mais on soulignera le caractère générique de compositions qui semblent synthétiser tous les plans en vogue depuis les années 2000, et le caractère un peu faible de certaines lignes vocales, manquant d’emphase et de lyrisme, ce qui condamne le projet à rester les deux ailes plaquées au sol.   

En faisant abstraction des plus grandes réussites du genre, The Continuum Synergy est tout à fait digeste. Incluant de nombreux inserts Power Metal, il se dégage des prétentions habituelles du genre qui obligent à suivre un chemin technique bien tracé, mais ces mêmes passages défavorisent l’entreprise de leur caractère formel et trop populaire. En gros, on est le cul entre deux chaises, une place fort peu enviable et toujours dangereuse.

Mélodies traditionnelles, agencement classique, déroulé prévisible, il manque encore un gros brin de fantaisie à ce projet pour vraiment se différencier d’une horde de suiveurs plus appliqués. S’il est évident que ce troisième né ne tient pas deux minutes la comparaison avec la nourrice The Astonishing de DREAM THEATER, s’il est clair que beaucoup de travail reste à accomplir pour prétendre à une place à la table ronde des chevaliers de la complexité, MOONSCAPE parvient quand même à tirer son épingle du jeu lors des nombreux passages instrumentaux qui nous épargnent un chant trop scolaire pour vraiment fédérer.

Manque de punch, et à moitié constitué de longues pistes qui ne vont pas forcément dans une direction particulière, The Continuum Synergy se montre sympathique, mais sans plus. Et si « Beyond the Periphery » termine le spectacle en beauté en imposant une énergie plus concrète, la fin nous délivre d’une histoire pas foncièrement passionnante et racontée beaucoup trop sagement.  

Mais pour un travail en solitaire, The Continuum Synergy reste impressionnant. Et surtout preuve de la passion d’un musicien capable d’accoucher d’une telle œuvre sans l’aide d’un groupe soudé.   

Titres de l’album :

01. Galileo's Quest

02. Rude Awakening

03. A Rendez-vous in Time?

04. Elegy of Lost Souls

05. If Heaven Knows my Name

06. A Visionary's Fate

07. Beyond the Periphery