Certains groupes sont intimement liés à la destinée d’un de leurs membres. Ainsi, PINK FLOYD connut trois incarnations, trois orientations, celle de Syd Barrett, celle de Roger Waters, et celle plus tranquille de David Gilmour. Chacune des trois personnifications s’est accompagnée d’un changement de style, souvent progressif, mais toujours en adéquation avec la mutation du leader indiscutable. W.A.S.P a toujours été le véhicule des idées et des attitudes de Blackie Lawless. MARILYN MANSON n’est rien d’autre que le clone musical et artistique de Brian Warner. Et les exemples pourraient remplir une encyclopédie tant ils sont légion. Dans le cas de COLD, la problématique qui n’en est pas une est la même. COLD est intimement lié aux humeurs et à la personnalité de Scooter Ward, fondateur du groupe dans les années 80 avec Sam McCandless, et qui n’a jamais caché ses difficultés d’adaptation, ni ses addictions, allant jusqu’à fumer plusieurs paquets de cigarettes par jour, endommageant considérablement sa voix. Et COLD depuis son premier album éponyme publié en 1998 - via un sacré coup de main de Fred Durst, observateur attentif de la scène de Jacksonville - n’a pas cessé de changer de visage, caméléon ultime du Rock alternatif américain, de sa création à son premier split, en passant par sa résurrection, et sa réémergence actuelle, sous une forme beaucoup plus floue et sombre que n’importe quel cliché issu de son passé. Aujourd’hui quasiment seul aux commandes, Ward fait ce qu’il veut de sa créature, et l’entraîne dans une virée nocturne aux confins de la solitude et de la dérive, en proposant le disque le plus noir et déprimé de sa longue carrière, ce The Things We Can't Stop qui se pose en constat lucide mais résigné d’un siècle qui sera peut-être le dernier d’une humanité enchaînée à son sort funeste…
Bien sûr, la musique du groupe ne ressemble plus aux cris primaux et anonymes noyés dans un océan de riffs passe-partout de 13 Ways to Bleed on Stage ou Year of the Spider. Mais plus de quinze ans ont passé depuis ces premiers jets, qui témoignaient encore d’une colère juvénile et d’une adaptation aux standards de l’époque. Il est donc inutile en 2019 d’attendre du groupe une ire qui n’a plus lieu d’être, et qu’on laisse aux souvenirs d’une adolescence révolue. C’est ainsi que The Things We Can't Stop se présente sous un jour incroyablement apaisé, dominé d’une ambiance cotonneuse et cathartique, mouchoir à portée de main et paquet de cigarettes posé sur la table de nuit. On y sent de l’acoustique prépondérante malgré les décharges d’électricité toujours aussi déchirantes, et surtout, une gigantesque mélancolie qui le confine au spleen le plus profond, pour une œuvre que les critiques jugeront « mature ». Ward est depuis longtemps devenu un homme, avec le fardeau que cela implique, cette impossibilité de remplir le cahier des charges de rêves remisés depuis longtemps, et cette tristesse de voir le monde se déchirer sur les réseaux sociaux et aux informations. Ces choses qu’on ne peut pas empêcher, et dont on prend acte, la voix rauque qui refuse de crier, et l’œil un peu humide, malgré la lucidité. En douze chansons dont une reprise, COLD se montre plus chaleureux que jamais, plus humain, plus fragile, comme accusant le poids d’années qui deviennent de plus en plus difficiles à porter. Et si l’album garde la trace de McCandless sur deux titres composés bien avant la conception de ce sixième tome, c’est véritablement la voix traînante de Ward qui domine les débats, et ce, dès « Shine », qui dénonce les abus du harcèlement scolaire plus efficacement que trois saisons de 13 Reasons Why. Mais alors, comment aborder ce disque qui rompt avec huit ans de silence, et un Superfiction franchement approximatif lâché en 2011 à la surprise générale ? En oubliant ce que COLD a été, pour essayer de comprendre ce qu’il est.
Pour composer et enregistrer ce disque, Ward a vraiment dû faire équipe et corps avec son comparse Nick Coyle, présent depuis 2017. Les deux hommes se sont partagé l’instrumentation, mais la vraie responsabilité de l’orientation revient évidemment à Ward, qui lâche quand même le micro sur « We All Love » pour laisser le lead à son copilote. Mais avant d’en arriver à un lacher-prise pareil, Ward a préféré mettre les guitares de côté, pour permettre à la basse et sa voix de jouer upfront, sur « Snowblind » qui donne la dominante. Beat qui traîne, caisse claire qui hésite à se laisser frapper, avant un refrain à la ALICE IN CHAINS dépité, mélodique, mais authentiquement amer. On comprend à ce moment-là que les choses ne vont pas être faciles, que l’approche va s’avérer fragile, et que The Things We Can't Stop ne sera jamais la mine de hits que furent ses aînés. « The Devil We Know » ne change pas la donne, malgré une guitare carillonnante en pont d’accroche, et si Ward a accepté l’ironie de devenir une gorge et non un chanteur (ce qui est indiqué dans les crédits de l'album), sa musique ne fait qu’y gagner en profondeur, en textures, en tristesse, gardant une beauté diffuse d’adieux qu’on pleure seul dans un métro de nuit. Mais il n’y a pas que de la fixation sur cet album, il n’y a pas non plus que du déchirement, car dans les ténèbres, quelques rayons de lumière passent, comme ce chant enfantin sur le sublime « Better Human », avec cette petite fille rieuse qui chante le refrain d’une voix enchantée. De son côté, « Without You » essaie de renouer avec le faste des années platine, et s’offre une rythmique enfin pulsée, alors que le riff peine à cacher la nuance ambiante. Le piano, véritable maître d’œuvre d’une bonne partie du nouveau répertoire, se montre sous un jour minimaliste, simple accompagnement de mots qui portent, et qui pour une fois ne sont pas de simples prétextes. « Quiet Now » renvoie à Seattle, mais aussi à Athens, avant de déchirer le ciel encombré de son riff harmonique. La tristesse à beau noircir l’avenir, elle n’en sublime pas moins le présent…
Il y a un peu de la vague Néo Alternative sur « The One That Got Away ». Des percussions plus tribales et des motifs concentriques sur « Systems Fail ». Mais pas d’opportunisme, juste de la lassitude transformée en créativité. On sait que Ward s’est frotté à la frustration de la page blanche pendant quelques années, mais il a enfin trouvé moyen de la remplir avec des choses vraies, des sentiments purs, et pas de simples obligations contractuelles en rimes faussées. Ce qui donne lieu à des moments de grâce cristalline, sur « Beautiful Life » et « We All Love », qui laissent quand même un petit interstice à l’espoir. D’une beauté étrange, The Things We Can't Stop est peut-être, quelque part, le plus beau témoignage que COLD nous a offert sur les traumas de sa génération. Un cœur qui bat encore sous une épaisse couche de glace. Une musique de l’âme.
Titres de l’album :
01. Intro
02. Shine
03. Snowblind
04. The Devil We Know
05. Run (Snow Patrol cover)
06. Better Human
07. Without You
08. Quiet Now
09. The One That Got Away
10. Systems Fail
11. Beautiful Life
12. We All Love
Black Metal protest outside the Iranian Embassy in Norway - Nordbundet by Taake (Cover by KAABOOS)
13/12/2024, 17:47
Une prod et des riffs lisibles, j'aime vraiment beaucoup ! Un peu dans l'esprit Hooded Menace. Ouhhh, je vais creuser la question.
13/12/2024, 11:37
Oui, j'ai bien aimé ce côté Doomy renforcé par les transitions au synthé basique qui rappellent de loin leurs compatriotes d'Asphyx sans doute, mais plus encore Morgoth. J'ai pensé à Obituary, Master, Death... mais avec une dose de lo(...)
13/12/2024, 09:11
Putain le FALL OF !!! !!! !!!Le meilleur fest de France ever !!!Si y'a pétition pour son retour, je signe des 4 mains !
13/12/2024, 06:50
Le Hellfest était décrié au départ mais avec le recul c'était une putain de terre de cocagne pour les musiques extrêmes. Je ne parle même pas du Furyfest qui en 2005 réunissait entre autres les 3/4 du Big Four (!) pour une jauge de 10 &ag(...)
12/12/2024, 19:36
Rien à foutre des finances de Ben Barbaud ! vous pouvez penser que c'est anodin, mais la représentation du metal en France c'est de la merde à nouveau, on régresse.
12/12/2024, 19:10
@HumungusHahaha bien joué pour avoir trouvé la référence.. Sinon tu peux penser que c'est drama queen, personnellement j'essaye de soutenir les nouvelles initiatives dans la scène et si j'avais su ce que ce festival deviendrait je n'y (...)
12/12/2024, 18:34
@DPD : https://www.concerts-metal.com/@RBD : Oui faire le tour des sites / RS des salles de concert / orga et se méfier des billetteries en ligne. Un certain de concerts pour des groupes assez importants ne sont parfois pas disponibles. (...)
12/12/2024, 13:27
Dans le Midi, cela se passe surtout à Toulouse et Montpellier car ce sont des villes habituées à la vie nocturne, avec des associations qui se bougent et un bon équipement en salles (malgré les difficultés après la pandémie). À Marsei(...)
12/12/2024, 13:21
Tenir une rubrique d'annonces concerts prend beaucoup de temps, comme toute pêche aux informations. Il faut aussi que les fans se prennent en main : pour ma part, je ne me contente pas de regarder les annonces de tournée sur les sites spécialisés, je fais ré(...)
12/12/2024, 10:57
@DPD : pour les annonces concert c'est trop chronophage, donc on en parle essentiellement dans la partie news, ce n'est pas le top mais c'est le mieux que l'on puisse faire avec les mains dont nous disposons actuellement. Sinon, au niveau report, je pense que l'on en fait(...)
12/12/2024, 07:10
Par contre niveau concert zone sud de la France on en parle de la douille ? Faudrait vraiment du mouvement et un réveil des organisateurs en général
12/12/2024, 00:24
J'y vais perso, sans doute pour la dernière fois, mais ma liste de concerts d'ici le festival me donne clairement beaucoup plus envie de ce line-up décevant.
11/12/2024, 19:49
Quand on voit la photo, va falloir qu'on lui achète un peu de matos pour remplacer l'ami Nicko.
11/12/2024, 19:47
Bon, ben, maintenant, on sait (voir sa dernière vidéo sur YouTube), Kevin n'est pas dans ARCHSPIRE mais à France Tabasse (ou plutôt Tadrum) !
11/12/2024, 19:19
C'est quoi le Hellfest (ha ha) ? Comme si c'était le seul festival de France. Certes, c'est le plus important mais bon, il n'y a pas que ça, merde. Et encore un livre de plus sur le sujet. Et dire que déjà à une certaine époque, je tro(...)
11/12/2024, 19:10
Honnêtement il y a de quoi faire pour un gros metalleux n'empêche Exodus, Dream Theater, Savatage, Judas Priest, Jerry Cantrell, Abbath, Epica Mais pas pour 300 euros le billet mdr
11/12/2024, 17:13
Quelques mots éclairants de Bruce : https://www.facebook.com/reel/1073351141139243?mibextid=rS40aB7S9Ucbxw6v
11/12/2024, 15:43