En regardant de plus près mes derrières chroniques, je me suis aperçu d’une chose étrange. Entre le Death, le Thrash, le Black, l’expérimental, le Progressif, le Grind, le Crust, peu de place était laissée au Hard-Rock traditionnel, malgré les attaches que je peux avoir avec le genre. Dans un désir de rectifier cette erreur passagère, je me suis alors tourné vers la Suisse, pour y découvrir un groupe méritant, et surtout, attaché à des valeurs traditionnelles.
CRAVER
Originaire de Berne, ce trio (Jonathan Craver - basse, Ashley Craver - batterie et Tommy Craver - chant/guitare, bonjour les RAMONES ou les BEE GEES) a proposé il y a quelques jours son premier album, qui fut précédé d’une bordée de singles, tous aussi intéressants les uns que les autres. Car ce power-trio suisse joue une musique simple, forte, sincère, rythmée et mélodique, dans la plus grande tradition de la NWOBHM, les aspirations lyriques et les évolutions interminables en moins.
Et j’ai aimé ce disque, au-delà de sa superbe pochette en noir et blanc, car il m’a rappelé mes jeunes années, lorsque je découvrais le monde chamarré du Hard-Rock, ses badges, ses patches, ses t-shirts et ses clous, son attitude, sa rébellion, et ses albums que je me passais jusqu’à les user.
Inutile dès lors d’attendre de ces trois musiciens autre chose qu’un Rock direct, sans fioritures, aux arrangements simples et rares, et à la franchise touchante. Formidablement bien produit, Torch Of Wisdom semble exhumé des coffres secrets des années 80, lorsque chaque semaine charriait son lot de nouveaux groupes, prêts à mettre la planète Rock à feu et à sang, mais s’arrêtant souvent sur la case démo, sans pouvoir aller plus loin qu’un éventuel EP.
Et cette fraîcheur fait un bien fou. CRAVER est l’archétype du bar-band prêt à partager un samedi soir avec le public, et donc un live-band très capable, et susceptible de transporter la foule loin de ses soucis quotidiens d’un coup de riff classique ou d’un up tempo bondissant.
En substance, il n’y a pas grand-chose à raconter sur eux. Point de légende ou de point de départ étrange, juste une collaboration normale et solide, comme tout premier album se doit de l’être. Dans une veine HAUNT en moins synthétique, Torch Of Wisdom est plein de sagesse, de lucidité, et d’amour pour un Hard-Rock fluide à la suédoise, mais avec l’énergie suisse des années 80. On y retrouve toutes les figures imposées, du lick saccadé emprunté aux débuts de MAIDEN, jusqu’aux refrains scandinaves du nouveau siècle, pour un voyage dans le temps qui dépayse et qui ne s’appuie pas uniquement sur la nostalgie pour séduire.
Car les chansons, aussi basiques soient-elles, fonctionnent toutes. Sans doute grâce à la passion de ces jeunes hommes pour un Rock subtilement seventies mais revu eighties, entre attaque frontale et séduction de biais, comme le suggère le plus nuancé « Sweet Flame ».
Mais simple et sans complexe ne signifie pas forcément simpliste et en vulgaire annexe. Non, cet album est exactement ce qu’il vous faut si vous ressentez en ce moment le besoin de revenir à vos racines, par le biais d’un binaire amplifié, à la distorsion sympathique et aux chœurs épidémiques (« Lights in the Shadows »). La facilité avec laquelle le groupe évite les clichés, et l’aisance dans la mise en place des idées confirment le professionnalisme, mais ne nuisent aucunement à cette spontanéité qu’on sent en filigrane. Comme un album studio enregistré dans des conditions live, Torch Of Wisdom est entraînant, catchy, addictif, compétitif, entre boogie tendre et cajoleur (« Madness ») et Hard-Rock des origines remis au goût du jour (« Vessel of Love »).
On reconnaît de ci de là un peu de THIN LIZZY, celui des années 70, mais aussi des choses plus personnelles et intimes, sur le velouté et étrange « Craving », sorte d’intermède psychédélique qui nous enfume de son brouillard typiquement américain.
Loin du gras qui tâche à l’allemande, ou du prêt-à-consommer US, et encore plus du perfusé scandinave, CRAVER se sent bien en Europe, et remet la Suisse sur le podium. Simplement, sans chercher l’effet qui tue, et en fricotant de près ou de loin avec le Doom et l’Occult-Rock. Le final « Children of Aurora » en est la preuve irréfutable, avec ses sept minutes d’évolution lourde, entre BLACK SABBATH et la vague Desert Rock des nineties.
Quel bonne idée d’avoir renoué avec mes souvenirs de jeunesse. Car il y a fort à parier que ce premier album de CRAVER se serait parfaitement intégré à ma discographie, alors uniquement constituée de valeurs sures et d’idoles du moment. Et quoi de plus remarquable qu’un groupe qui convainc à la force du poignet et à la puissance de compositions sans esbroufe, mais avec un cœur énorme.
Titres de l’album:
01. Dreams of the Night
02. Harbor Lane
03. Sign of the Circle
04. Sweet Flame
05. Lights in the Shadows
06. Madness
07. Vessel of Love
08. Craving
09. Children of Aurora
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