Nous sommes tous des rameurs sur la galère de la vie. C’est elle-même qui s’occupe du rythme des coups de fouet, et qui nous fait travailler vingt heures par jour. Et pour quel salaire finalement ? Quelques objets connectés et une TV grande comme un écran de cinéma ? Des vacances à Paimpol ? Une bagnole qui est censée impressionner le badaud ? Tout ça et pas grand-chose d’autre, ce qui est un prix relativement modique à payer vu la pénibilité de la tâche. Alors, ramons. Mais certaines galères exigent plus de force physique que d’autres. Celle sur laquelle sévissent les polonais de GALLOWER avance à une vitesse foudroyante, et les cris d’encouragement parviennent même à faire taire les vagues et les tempêtes.         

Après une dizaine d’années passées sur les mers du monde entier, les GALLOWER repartent de leur port d’attache pour affronter les éléments. Les rames sont bien polies, les ferrures huilées, et l’avancée phénoménale. On se doutait qu’un navire drivé par trois personnes seulement cachait un secret bien enfoui, mais si Behold the Realm of Darkness dévoilait une partie de la vérité, cette dernière est aujourd’hui exposée en plein jour par les neuf morceaux de Vengeance & Wrath.

Ce power-trio de l’enfer qui a su essuyer les plus gros grains et résister au chant des sirènes est devenu une valeur sure de l’underground, au point de finir chez Dying Victims Productions. Mighty Tzar (basse/chant), Vic Nocturnitier (guitare/chœurs) et T.C. Speedfire (batterie/chœurs/synthés) n’ont donc rien changé à leur méthode de brassage, et manient toujours les rames avec une facilité déconcertante. Et pas besoin de gros tambour pour marquer le rythme, puisque le leur est diablement plus intense et soutenu. Il cogne d’ailleurs sans attendre, via « Aftermath/Protector's Militia » qui rappelle le meilleur de la scène Black/Thrash des années 90.

VENOM, DESTRUCTION, BATHORY, SODOM, le SABBAT japonais, voici des références qui vous posent un projet. Mais des références honnêtes, qui définissent un son à la lisière d’un Thrash Punk de derrière les fagots, mal dégrossi, grognon, ronchon et festif à la fois. Une dualité intéressante pour un album rapidement emballé, et préparé avec passion. On se laisse prendre au petit jeu de celui qui crache le plus loin par-dessus bord (méthode Titanic revisitée galériens aux bronches prises), et la célérité dont font preuve ces morceaux est tout sauf gratuite, encore moins systématique.

Capable de passer d’un brulot cramé à une stance plus posée, les polonais revisitent le répertoire du Thrash sale et grossier des années 80. Des riffs simplissimes, mais des idées canon, pour un résultat qui vous éclate l’oignon. Sans tomber dans la vulgarité, autant admettre que Vengeance & Wrath a à peu près autant de manières qu’un rustre de campagne qui n’enlève même pas ses bottes avant de marcher sur la moquette. Enrobé dans une production bourbeuse et très épaisse, ce second long est l’aboutissement de dix années de cheminement, et d’une maturation sans pareille pour marier les parfums Thrash, Heavy et Black.

GALLOWER ne fait pas de manière, et recycle les méthodes d’avancement de VENOM lorsque le beat marque le pas. Ainsi, « March of the Carmine Cloaks » est rude, au moins autant qu’une énorme tape dans le dos, et méchant comme une teigne qui n’a pas sucé depuis des semaines. Cette lourdeur bienvenue permet de varier les débats et de déterminer qui va se prendre une lardée de cuir dans le dos. Le chant très POSSESSED de Mighty Tzar assure la liaison avec le passé, tandis que la guitare bavarde de Vic Nocturnitier passe en revue toutes les astuces les plus accrocheuses, entre syncopes franches et accords plaqués complétement cramés.

Avec quelques soli primaires qui renforcent cette impression d’immédiateté, et des cassures qui brisent l’avancée, GALLOWER tente de jouer avec les nerfs, mais se montre un peu trop prévisible pour vraiment surprendre. Tout au plus rentrera-t-on dans le jeu puisqu’il est amusant, mais tous ces plans arrivent comme un cheval sous un auvent. Le plaisir n’en est pas moins tangible, tant les sensations de la première moitié des eighties reviennent à la surface de la peau, avec la nostalgie de ce proto-Thrash bestial et dévastateur initié par HELLHAMMER et popularisé par l’école d’Amérique du Sud.

On a d’ailleurs le sentiment que ces musiciens nous viennent de Barcelone, tant leur allant ibère sonne local. Mais la Pologne a plus d’un tour dans son sac, pendable ou non, et ne tolèrera sans doute pas une allusion déplacée qui tient lieu d’insulte nationale.

Evidemment brut et brutal, éminemment choc et bestial, ce deuxième album du trio de Tychy est une petite bombe qui injecte des stéroïdes dans les muscles pour que le navire vogue à sa vitesse maximale. Alors, ça sent la transpiration, parfois les déjections puisque les esclaves de la mer ne peuvent quitter leur poste, mais ça rend la torture plus joyeuse, l’effort plus entraînant, et la douleur plus légère.

GALLOWER arrivera au port le premier, c’est certain. La seule inconnue est justement l’identité de ce port.

Titres de l’album:

01. Aftermath/Protector's Militia                 

02. The Revelation                

03. Relentless Retaliation                 

04. Bubonic Breath               

05. March of the Carmine Cloaks                

06. Prophecy of the Seven                

07. The Dead Despise the Living     

08. Vengeance & Wrath                   

09. Demonic Ascent

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