Ils ont mis quatre ans à le bichonner, alors autant vous dire qu’il avait intérêt à être parfait. Oui, les russes de PYRE avaient disparu des radars suite à la parution de leur deuxième album Chained to Ossuaries, et les excuses ne manquaient pas. Pourtant, ce disque chroniqué en ces colonnes avait de quoi rassasier pendant un bon bout de temps. Mais les meilleurs choses ayant toujours une fin, nous restions sur la nôtre depuis 2020. 2024, les musiciens de Saint Petersbourg se rappellent enfin à notre bon souvenir, et propulsent Where Obscurity Sways sous la lumière, sans sortir de leurs ténèbres. Tour de force ?
Pour le moins.
PYRE est depuis quatre ans maintenant soutenu par la frappe éléphantesque d’Oleg Malleus, ce qui lui a permis de passer la surmultipliée. Évidemment, le style n’a guère changé, puisque le trio de tête (Dym Nox - basse/chant, Roman Rotten & Fred Obsinner - guitares) est toujours aussi old-school qu’un souvenir embrumé de Nicke Andersson, mais loin des travers répétitifs d’un Rogga Johansson, Where Obscurity Sways rend globalement hommage à la scène Death mondiale, avec un background froid comme le nez de Poutine, et des soli mélodiques qui évoquent à l'inverse la chaleur floridienne.
En dix morceaux dont deux interludes, PYRE se livre à une véritable masterclass de Metal putride, violent, congelé et ardent à la fois. Les nouveaux morceaux, aussi solides qu’une congère de décembre, foncent droit devant, mais ne cherchent pas à dépasser le temps. Ils le prennent justement pour instaurer une ambiance, morbide, mais accessible aux amateurs de brutalité clinique et réfrigérée. Si la Suède est constamment citée par le son de la HM-2, plus discrète que chez LIK toutefois, les États-Unis ne sont pas à la traîne et conditionnent les passages les plus médium. Ainsi, « Writhing Souls », petit chef d’œuvre de boucherie avance à couvert, cachant ses réelles intentions dans un crescendo d’intro impeccable, avant que la machine ne reparte de plus belle pour rendre hommage à UNLEASHED et ENTOMBED.
Classique ? Oui, c’est indéniable. Mais tellement carré et professionnel qu’on en oublie tout désir d’innovation. Les deux guitares de Roman et Fred continuent de débiter du syncopé au kilomètre, et l’avancée se veut pensée et intelligente. Pas question de se presser pour satisfaire la fanbase, PYRE fait chauffer les turbines, mais ne les pousse jamais en surrégime. Tout est bien huilé, et la vapeur envahit le ciel, à la manière d’un train au parcours non modifiable, et dont les freins sont utilisés avec parcimonie.
Magnifiquement produit pour sonner clair même au fond d’une grotte, mixé et masterisé avec amour par K.Dolganov (Sic Sound/Hiboll Studios), Where Obscurity Sways est déjà un classique alors qu’il n’est même pas sorti sur le marché. S’il n’incarne pas la meilleure bande-son pour des fêtes de fin d’année bienveillantes, il pourrait quand même se retrouver dans vos chaussons pour vous offrir un gros son.
La voix de Dym Nox, maléfique et doppelgänger de notre cher et teinté de noir David Vincent, fait le job avec une application qui force l’admiration. D’ailleurs, « Chanting Ancient Incantations » ferait un très bon single d’VLTIMAS, avec son démarquage totalement assumé des inclinaisons Néo-Death de ces cinq dernières années. Imbriqué avec logique, suivant un plan très détaillé, ce troisième album fait plus qu’honneur à son rang, il fait horreur dans le sang. Aussi lourd et compact qu’il n’est rapide et aéré, Where Obscurity Sways fait la joie d’Osmose, qui ne cache pas sa fierté d’héberger le poulain dans son écurie.
Les titres s’enfilent, et nous aussi. Le lubrifiant est d’ailleurs fourni, et permet de laisser passer le monstrueux « Pestilential Fumes », déjà disponible sur le Bandcamp du groupe. Je ne prendrai pas de gants pour affirmer que l’on touche au chef d’œuvre. PYRE a rassemblé ses forces durant ce repos forcé, et présente une copie parfaite, que l’on encaisse comme un menu quatre étoiles. La qualité des compositions, l’implication, le son, tout est au diapason, et les exigences ont été revues à la hausse.
Pour le même prix de revient.
Et justement, on y revient. Encore, toujours, pour savourer cette tranche de mort bien emballée qui se termine par un dernier massacre. « Prognostic Of The Apocalypse » nous rappelle pourquoi le Death est toujours l’un des styles extrêmes les plus prisés, et carbure à la nitro pour nous laisser sur le carreau.
Grave, sentencieux, brave, délicieux, Where Obscurity Sways frappe un grand coup et s’annonce déjà comme une grosse sortie pour le premier trimestre 2025. Si la concurrence s’aligne sur ce jet de bile, il y a fort à parier que l’année prochaine sera fruitée. Un peu rance, un peu renfermé, mais généreux et défroqué comme un curé, PYRE embrase le ciel et mélange les teintes, entre le bleu glacé et le rouge braisé.
Et bonne année. En avance.
Titres de l’album:
01. Where Obscurity Sways
02. From The Stygian Depths
03. Domains Of The Nameless Rites
04. Wandering…
05. Murderous Transcendence
06. Writhing Souls
07. Chanting Ancient Incantations
08. Pestilential Fumes
09. Descending…
10. Prognostic Of The Apocalypse
Testé y'a quelque temps et en effet c'est pas mal. Cela démonte un peu les clichés sur la faible qualité de la scène Russe (contexte géopolitique mis à part).
Un bouquin est sorti là-dessus, "The Tape Dealer" de Dima Andreyuk ( fanzine Tough Riffs)...
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