En 1990, l’extrême avait déjà fait un grand pas vers l’avant. Le Hard Rock était devenu Heavy Metal, le Heavy Metal était devenu Thrash, le Thrash avait glissé vers la violence du Death, et le Grind était déjà implanté. Alors, aller de plus en plus loin devenait très difficile, même si la vague BM du nord n’allait pas tarder à défiler, et que les singes du Brutal Death, du Deathcore et autres extensions dispensables n’allaient pas tarder à faire des leurs. Heureusement, certains ont vite compris que la course à la vitesse et au bruit était légèrement stérile sur les bords, et qu’il y avait certainement d’autres moyens de faire avancer la brutalité sans la dénaturer en bruit insipide et sans odeur. Du Thrash naquirent des groupes désireux d’insuffler encore plus de technique dans leur agression, pour donner naissance au Techno-Thrash, l’un des genres les plus respectés de l’extrême. Et si le Death commençait à emprunter la même voie par l’entremise de son créateur DEATH, la scène se contentait encore largement de cris gutturaux et de rythmiques explosives. Mais avec Spiritual Healing, Chuck avait jeté un pavé dans la mare, vite suivi par les fanatiques de MORBID ANGEL et leur sous-lieutenant NOCTURNUS qui faisaient passer leurs petits camarades pour de jeunes écoliers un peu brouillons. Au milieu de ce magma créatif, les albums d’anthologie commençaient à s’accumuler sur la table de la jouissance, et entre Altars of Madness, The Key, Control and Resistance, SIEGES EVEN, CORONER, WATCHTOWER, et autres DEATHROW, la stupeur était de mise chez les thrasheurs qui ne reconnaissaient ni leur Ruhr ni leur Bay-Area dans ce dédale de parties de guitares inextricables et de changements de rythmes incessants. Et si certaines pierres de rosette font toujours aujourd’hui office de boussoles dans le labyrinthe de la technique brutale, d’autres sont restées dans l’underground, uniquement sauvées de l’anonymat par quelques passionnés sur le Net.
Et c’est le cas de nos cousins canadiens d’OBLIVION, qui après quelques problèmes avec un groupe homonyme, durent changer leur nom pour OBLIVEON. Les choses démarraient donc plutôt mal, la logique voulant qu’on écrive plus facilement OBLIVION qu’OBLIVEON, mais en sus, les originaires de Longueuil/Montréal ont eu le malheur de signer avec une maison de disques au rayonnement limité, Active Records, ce qui fait qu’aujourd’hui, tous les produits de ce label ou presque coûtent des sommes exorbitantes. Ainsi, From This Day Forward dépasse souvent les cent dollars dans sa version d’origine, ce qui peut évidemment paraître horriblement excessif, et pourtant, en exagérant un peu, on peut affirmer que la musique qu’il contient vaut largement un gros billet. From This Day Forward c’est un peu l’OVNI de la production d’époque, le genre d’album que beaucoup découvrent sur le tard, en tombant dessus par hasard sur un blog plein de flair, et qui marque à vie de son audace et de son crossover malin. Fondé en 1987, OBLIVEON a patiemment publié cinq démos consécutives entre 1987 et 1989, se taillant une solide réputation dans l’underground canadien avant d’attaquer sa carrière professionnelle. Lors de l’enregistrement de l’album, le groupe est alors un quatuor, composé de Stéphane Picard (chant/basse), Martin Gagné (guitare), Pierre Rémillard (guitare) et Alain Demers (batterie), et connaît méchamment bien sa partition. Rodés à l’exercice de l’étrangeté rythmique, les canadiens proposent alors un savant cocktail relevé mais pas trop, s’apparentant plus au Thrash qu’au Death, élément sans doute retenu à charge à cause du timbre très sourd et rauque de Stéphane. Et si certains riffs et parties tendent en effet à prouver que le quatuor n’avait rien de fondamental à reprocher à la Floride, il convient de se rendre à l’évidence, OBLIVEON était plus Thrash que Death. Mais comme à l’époque, la frontière commençait à devenir un peu floue, le doute était excusable.
En consultant la longue liste des groupes auxquels les canadiens pouvaient être comparés, on ne trouve que du beau monde. C’est ainsi que The Metal Archives n’hésite pas à nommer CORONER, ATHEIST, DEATH, NOCTURNUS, SADUS, VOÏVOD, ANACRUSIS, CYNIC, DESPAIR, en gros, toute la clique des amateurs de technique dans un contexte de bestialité intelligente. Et ces comparaisons ne sont pas sans fondement évidemment, puisque ce premier album, aussi étrange soit-il, était en quelque sorte un mélange grandeur nature de toutes ces références, et surtout, un habile compromis entre le psychédélisme des amis de VOÏVOD, de la rigueur des CORONER, de l’agressivité haute en neurones d’ATHEIST, et de la méchanceté élaborée de SADUS. Il suffit pour s’en convaincre sans y passer une demi-heure d’écouter le monstrueux « Droïdomized » pour comprendre que l’image et les proportions utilisées sont valides, puisque le morceau semble prendre un malin plaisir à fusionner toutes les références les plus révérées de l’époque. Mais à contrario de certains de ses semblables, OBLIVEON ne perdait jamais de vue la vélocité pour mettre en avant ses idées avant-gardistes. On pouvait même parler de Techno-Thrash progressif, et si la basse n’hésitait jamais à mettre ses rondeurs et ses arabesques en avant, elle ne tombait que rarement dans le piège du Jazz-Rock sorti de son contexte. D’ailleurs, en ouverture, « From This Day Forward » prenait des gants. Durée limitée, intro mélodique, tempo médium, on pensait alors à BELIEVER, bien que les chrétiens n’avaient pas encore évolué vers Sanity Obscure, ou à un NOCTURNUS débarrassé de ses névroses de claviers sci-fi un peu envahissantes. Les spectres de CORONER et de CELTIC FROST faisaient aussi trembler leurs chaînes, et ces fréquents changements de beat, ces notes de basse en volutes, et ces riffs acides n’étaient pas sans rappeler le meilleur de la scène suisse.
Mais c’était véritablement « Fiction of Veracity » qui mettait le feu aux poudres de ses presque neuf minutes, et de son nombre d’idées simplement hallucinant. A la limite de la folie instrumentale, ce morceau n’en gardait pas moins une pugnacité incroyable au regard du nombre de dérivations qu’il imposait, et là résidait sans doute le génie du groupe, capable de se montrer aussi efficace qu’impressionnant. Bien sûr, on comprenait très rapidement que les canadiens, à l’instar de leurs futurs collègues de GORGUTS n’étaient pas des manches, mais ils avaient la décence de ne jamais trop en faire du côté individuel, pour mettre en avant la performance collective. Et on le sentait de façon plus tenace en s’envoyant le louvoyant « Imminent Regenerator », aussi rapide qu’ASSASSIN, aussi sinueux que le DEATHROW de Deception Ignored, et aussi ambitieux que le CORONER de No More Color. Tout en restant éminemment bruyant et velu, le quatuor cachait sous ses structures mouvantes et brutales des filigranes harmoniques qui finissaient parfois par remonter à la surface élimée (« It Should Have Stayed Unreal », le plus MEKONG DELTA du lot, mélangé au DEATH de Spiritual). Et de fil en aiguille, on appréhendait la réalité des faits dans toute leur évidence, et nous admettions la supériorité des canadiens sur bon nombre de leurs concurrents plus exposés. Produit par le groupe lui-même, et enregistré aux studios Peter Pan de Montréal, From This Day Forward reste une énigme précieuse, un secret bien gardé, et qu’on ne se refile qu’entre initiés. Le groupe continuera sa carrière, et nous offrira un superbe Nemesis en 1993, jugé parfois supérieur à cette entame, puis deux autres albums, arrêtant sa production en 1999 avec Carnivore Mothermouth, sans jamais vraiment splitter. Il se retrouve d’ailleurs à l’occasion pour jouer live, mais reste la gemme la plus précieuse à avoir été exportée du Canada après VOÏVOD. Et oui, avant ANNIHILATOR. C’est dire.
Titres de l’album:
01. From This Day Forward
02. Fiction of Veracity
03. Droïdomized
04. Imminent Regenerator
05. It Should Have Stayed Unreal
06. Access to the Acropolis
07. Chronocraze
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