Le temps passe si vite que j’ai du mal à y croire parfois. Ainsi, en m’attelant ce matin à la chronique de Hurry up and Wait, je me suis rendu compte qu’il y a déjà quatre ans que je me suis occupé de la précédente, Change of Fortune. C’est toujours assez particulier de suivre un groupe, et de traiter chacune de ses sorties, spécialement lorsque les dites sorties sont espacées de quatre ou cinq années. C’est comme de retrouver régulièrement un ami, voyageant autour du monde et repassant vous faire un coucou lorsqu’il se trouve près de chez vous. Ces rendez-vous sont évidemment précieux, inestimables, mais vous font aussi prendre conscience que l’âge ne vous épargne pas, et qu’inéluctablement, vous vous rapprochez de plus en plus d’un chiffre qui vous semblait si lointain il n’y a pas si longtemps. Tiens, je me souviens encore de ce que j’ai ressenti le jour où j’ai découvert le groupe. Lorsque j’ai écouté pour la première fois « Somebody to Shove », sur le séminal et révélateur Grave Dancers Union, en 1992. Cette urgence Rock, cette façon d’adapter les standards des années 70 et 80 dans l’urgence des nineties, cette façon de jouer et chanter vrai, de proposer autre chose qu’une émotion factice en évoquant les tragédies sur le hit immortel « Runaway Train ». C’était il y a….vingt-huit ans, j’en avais juste vingt, et pourtant, je m’en rappelle comme si c’était la semaine dernière…Depuis, le groupe a continué son chemin, publié des albums toujours intéressants et honnêtes, mais n’a jamais réédité cet exploit commercial. Et franchement, c’est tant mieux comme ça, puisque je ne suis pas certain que la situation ait vraiment convenu à Dave Pirner. Dave est de cette caste de musiciens qui ne cherchent pas les honneurs, qui préfèrent leur musique personnelle, parlant à ses fans comme un poème laissé sur le bord d’une fenêtre par Nick Drake, en espérant qu’une jolie fille mélancolique le lise. Je ne suis pas une jolie fille, je ne regarde jamais sur le rebord des fenêtres, mais je regarde parfois à travers la vitre de ma vie. Et je constate que SOUL ASYLUM en fait partie depuis presque trois décennies maintenant.
Lors de la chronique de Change of Fortune j’avais évoqué un parallèle intéressant selon moi. J’avais suggéré que les carrières de SOUL ASYLUM et PEARL JAM suivaient plus ou moins la même trajectoire. Non en termes de styles, mais en termes d’ouverture, de généralisation, de liberté créatrice. Et alors que plus tôt cette année Gigaton a heurté les bacs en proposant la meilleure musique de Vedder & co, Hurry up and Wait en fait de même et provoque les mêmes sentiments chez moi. Cette satisfaction de retrouver une voix connue et aimée, d’écouter une musique qui ne s’embarrasse pas de clivages, de recherche de séduction à tout prix, et qui se contente de vivre, de respirer, d’offrir des mélodies simples et des mots qui touchent, sans se retourner sur le passé et se baser sur les plus grands achèvements. Gigaton n’était pas Ten, ni VS, tout comme Hurry up and Wait n’est pas Grave Dancers Union, ni Change of Fortune. Il est juste le douzième album de SOUL ASYLUM, et peut-être, pour être plus juste, un nouvel album de Dave Pirner, seul membre originel encore en place depuis 1984. Il est pour l’occasion entouré de pointures, Ryan Smith à la guitare, Winston Roye à la basse et Michael Bland à la batterie, et donne le sentiment d’avoir fait la paix avec lui-même et ne plus rien avoir à prouver depuis longtemps. Elaboré avec l’aide de l’ingé-son Emily Lazar et du coproducteur John Fields, ce douzième LP est d’une fraîcheur incroyable, le genre d’album qu’on a envie d’entendre sur les classic radios toute la journée tant il s’ingénie à passer en revue les meilleurs aspects de la musique américaine des années 80 à nos jours. Survol de la carrière d’un groupe unique, best-of déguisé ? Non, juste un truc spontané, gorgé de chansons simples, qui rappelle avec franchise le bonheur des nineties récentes, multipliant les allusions, parfois étranges, parfois absconses, comme l’entame de « The Beginning » qui de l’œuf ou la poule choisit de confronter la Power-Pop la plus eighties à l’efficacité sub-Rock des SMASHING PUMPKINS de « 1979 ». C’est beau, c’est immédiat, et ça se fixe dans votre mémoire comme une photo un peu jaunie qui traîne dans les souvenirs. Mais Dieu, que c’est délicieux.
Dave Pirner a lui-même déclaré à propos de ce nouvel album que son enregistrement avait été sans problème, agréable et productif. « J’ai baissé ma garde » avoue le guitariste/chanteur. « Cette fois-ci, c’était du genre, « je vais juste me contenter de faire ce qui vient, et qui fonctionne, sans me soucier du genre de musique que les gens veulent entendre ». C’est très brut, et direct puisque je n’ai pas vraiment réfléchi ni eu de plan. Il y a eu beaucoup de spontanéité, rien n’a été forcé ». Et le moins que l’on puisse dire, est que cette spontanéité s’entend au moindre accord de guitare, au moindre chœur en arrière-plan, à la moindre note de basse jumpy. D’ailleurs, Dave s’est laissé aller à des choses moins évidentes, plus Pop sans doute dans le fond, mais sans oublier le Rock dans un recoin des années 90. On s’en rend compte en écoutant l’euphorisant « Got It Pretty Good », au solo plus minimaliste qu’une conférence Sub-Pop, mais à la rythmique bondissante et à la jeunesse frappante. Moins concerné par cet aspect rêche et authentique que sa musique pouvait rechercher dans le passé, Dave se propose de jouer ce qui lui passe par la tête, en gardant un minimum de cohérence. Ainsi, les fans de SOUL ASYLUM trouveront tout ce qu’ils cherchent sur ce disque, des choses plus évidentes et Classic Rock comme ce « Make Her Laugh », terriblement formel, mais les autres tomberont aussi sur des chansons impeccables, à l’image de ce très moderne et étonnant « Busy Signals », à la mélodie digne des NERVES, mais au rythme symptomatique des années 2010. Pas de ligne directrice, pas de plan artistique, juste procéder à l’ancienne, brancher les instruments, prendre l’acoustique pour composer, et voir ce qu’il en sort. Et ce qui en sort, dans les faits, pourrait s’apparenter à une mise à nu de l’âme d’un des musiciens les plus attachants de sa génération.
On aime la nonchalance de « Social Butterfly », facile mais touchante, mais on adore aussi la profondeur de « Dead Letter », et son ambiance de chant marin des côtes d’Irlande. On jubile lorsque le Rock N’Roll, le vrai, donne signe de vie sur le syncopé « Landmines », et on frémit lorsque les guitares carillonnantes reviennent sur « Here We Go », citant R.E.M pour mieux saluer les REPLACEMENTS. Le Rock qui déménage n’est pas pour autant aux abonnés absents, il prend juste d’autres formes, plus élastiques et PEARL JAM sur « Freezer Burn », ou plus simplement nineties avec le gonflé « Hopped Up Feelin’ ». Mais Hurry up and Wait n’a rien de philosophique en soi, il n’est pas une grande œuvre qu’on admire et qu’on dissèque. Il est un album instinctif, presque cathartique dans sa simplicité, comme ces blagues qu’on se raconte entre potes, ou ces conneries qu’on fait au milieu de la route pour redevenir jeune, juste quelques instants. « Silly Things » célèbre justement ces instants fugaces que les quinquas apprécient entre deux problèmes de retraite et un week-end trop court pour être apprécié. Un plaisir de banlieue, un regard un peu humide, mais surtout le bonheur d’avoir eu une vie de musique, de légèreté, de mots qu’on n’a pas besoin de prononcer.
Titres de l’album :
01. The Beginning
02. If I Told You
03. Got It Pretty Good
04. Make Her Laugh
05. Busy Signals
06. Social Butterfly
07. Dead Letter
08. Landmines
09. Here We Go
10. Freezer Burn
11. Silent Treatment
12. Hopped Up Feelin’
13. Silly Things
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