En ce moment, peu de gens voient la vie du bon côté. Confinement, isolement, peur de l’extérieur, absence de perspectives réjouissantes, avenir qui se dessine aux contours d’un réchauffement climatique annonçant des catastrophes à répétition, pouvoir d’achat, maladie, égoïsme grimpant, repli sur soi-même, les voies diminuent, les portes de sortie se ferment, et l’ambiance n’est ni à la détente, ni à l’amusement. Certes, quelques-uns préfèrent ignorer ce qui les entoure et faire comme si de rien n’était, mais autant admettre l’inéluctable. Le monde court à sa perte, et la prochaine pandémie ou catastrophe naturelle risque d’engloutir une grosse partie de l’humanité et ce qui l’entoure. Le bilan n’est pas des plus joyeux, mais il est lucide. Le néo-libéralisme sauvage continue de faire la part belle aux profits au lieu d’écouter la nature et de ralentir le rythme, la démographie galopante n’a de cesse de piller les réserves naturelles, les animaux continuent d’être abattus à un rythme démesuré, et le ciel s’assombrit de rêves mort-nés qui sont autant d’actes de renonciation d’une utopie depuis longtemps devenue une dystopie à peine déguisée. Alors, quelle leçon tirer d’une telle situation désespérée ? Prendre acte et se trancher les veines, attendre patiemment en sachant pertinemment que la fin est proche, ou essayer de changer les choses chacun à notre niveau pour ralentir cette exécution programmée que le vingt-et-unième siècle semble prédire de ses litanies funèbres ? Je ne saurais prodiguer de réponse, mais j’ai sans doute la bande-son idéale à cette procession nous menant tout droit au cimetière le plus proche. Depuis plus de vingt ans, un concept suédois semble s’ingénier à mettre en musique l’avenir noir de l’humanité, en dispensant des homélies aussi macabres que concrètes. Le projet THE FUNERAL ORCHESTRA, au nom si évocateur n’est pas le genre de groupe à se précipiter pour nous inonder de sorties toutes plus dispensables et répétitives les unes que les autres. Avec un seul album depuis leur percée en 2002, le collectif énigmatique a depuis longtemps placé la barre à la hauteur de ses convictions, ce qui n’est guère étonnant pour un ensemble évoluant dans le créneau d’un Funeral Doom poussé à ses extrêmes.
Trois hommes ou oracles (Priest I, Priest II et Priest III), encapuchonnés et masqués, des photos promo mystérieuses et nimbées de brume dans un noir et blanc très esthétique, une énigme que les spécialistes se font une priorité de percer, et pourtant, depuis la sortie du référentiel Feeding the Abyss en 2003, aucun nouvel élément pour tenter de reconstituer le puzzle. En dix-sept ans de silence longue-durée, les trois apôtres n’ont trouvé le temps que de dispenser des formats courts, des splits, une poignée de singles, relativement peu satisfaits de la tournure que prenait leur créativité. Il faut dire que les suédois sont plutôt exigeants en ce qui concerne leur art. Si leur approche ne leur convient pas à 100%, ils préfèrent tout effacer que de se contenter d’approximations bradant leur méthode. C’est pourquoi ils se produisent si rarement en live, et n’osent publier de LP que lorsque le résultat les satisfait pleinement, et c’est ainsi que l’année dernière, l’inspiration revenant, ils ont réinvesti les studios pour élaborer ce monstrueux Negative Evocation Rites qui porte si bien son nom. Nuclear War Now, leur label, n’est d’ailleurs pas avare de superlatifs lorsqu’il parle de ce dernier né. Le considérant comme la litanie la plus parfaite pour une procession funèbre annoncée, le label s’enorgueillit de pouvoir compter le concept dans ses rangs, et se propose de désigner ce pavé comme la sortie principale en termes de Funeral Doom pour cette triste année 2020. N’étant pas spécialiste de la cause, je ne saurais remettre en question leur enthousiasme, mais je me dois d’avouer que cet album possède toutes les qualités pour satisfaire les fans d’une musique lancinante, à la limite d’un drone maitrisé, et qui reprend tous les codes du style pour les pousser à leur paroxysme. D’ailleurs, Negative Evocation Rites est l’archétype d’album que l’on écoute quand le moral est au plus bas, histoire de s’enfoncer encore plus dans la déprime et la névrose. Il est à prendre comme un tout, chacun de ses morceaux mettant en exergue des ambiances mortifères, plus que des structures à part entière. Si l’on attend le moindre coup de caisse claire comme un rayon de soleil après deux semaines de pluie, si on tente de s’accrocher à la moindre intervention vocale comme à une prophétie de mauvais augure, si les chansons sonnent comme des litanies de désespoir dans un monde mourant, le tout ne manque pas d’un charme résigné, à la lisière d’un BM Ambient n’en étant pas vraiment, mais en tout cas plus qu’un simple Doom rabâché jusqu’à la corde de mi.
Le premier et long morceau, « Negative Evocations » met les choses au clair. Retour aux bases de 2003, pour des perspectives de moins en moins joyeuses. Avec plus de douze minutes au compteur, cette introduction est un avertissement pour l’auditeur éventuellement perdu sur le chemin des nouveautés. Les néophytes n’ont pas le droit à l’erreur, et une fois la marche entamée, rien ne vient l’accélérer. Le rythme, si tant est que l’on puisse l’appeler ainsi est d’une lenteur éprouvante, mais l’empilement des textures sonores créé un phénomène hypnotique assez fascinant, et fonctionne de la même façon que ce réflexe morbide qui consiste à ralentir sa voiture pour observer un accident de plus près. Avec seulement quatre morceaux, ce second volet n’étire pas les plans jusqu’à l’agonie, mais reste concis et précis dans sa démarche. Loin d’un simple racolage bruitiste sans queue ni tête, Negative Evocation Rites fonctionne comme une catharsis inversée, et traite la douleur morale avec une souffrance auditive. Pourtant, en insérant quelques mélodies rachitiques à sa longue procession, le groupe fait preuve d’un certain flair dans l’insistance, et « Negations I » de fonctionner comme la BO d’un film d’anticipation souffreteux, au gros grain, et à la conclusion inéluctable. Monolithique, cette musique n’en est pas moins riche, profitant des fréquences, du feedback, de la gravité pour dessiner les contours d’un univers sombre, à la manière d’un WORMPHLEGM ou d’un BEGRÄBNIS. « Negations II » se propose de refermer les lourdes portes de la même façon que « Negative Evocations » les ouvrait, avec la même lenteur, la même insistance, nous laissant sur une impression délicieuse de fin d’une nuit éternelle nous libérant enfin de notre prison. Je le conçois, le tout paraîtra difficilement digeste aux réfractaires du Doom, mais en osant aller un peu plus loin que la moyenne des groupes du cru, THE FUNERAL ORCHESTRA conforte son statut de créature de l’ombre, n’en ressortant que pour dispenser son savoir énigmatique, mais terriblement lucide.
Titres de l’album :
01. Negative Evocations
02. Flesh Infiltrations
03. Negations I
04. Negations II
Après maintes écoutes de la bête, franchement pas déçu. C'est du pur FUNERAL ORCHESTRA ! Dans le genre glauque, sombre et franchement abyssal, difficilement égalable ces mecs là.
Un bouquin est sorti là-dessus, "The Tape Dealer" de Dima Andreyuk ( fanzine Tough Riffs)...
10/02/2025, 15:31
Toute ma jeunesse.Mais franchement, je ne regrette pas cette période : Le nombre d'heures "perdues" à remplir des K7s et faire les pochettes bordel... ... ...
10/02/2025, 10:16
Um som genuíno e nostálgico.Eu olho para Um poema morto, com grande carisma, com a esperança de que a boa e velha desgraça dos anos 90 ainda respire. Abstract Existence, talvez, seja o &(...)
09/02/2025, 11:22
Je milite pour le retour de la k7 et les lecteurs cd dans les voitures . spotify et compagnie
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Il ne s'agit pas non plus de remplir une salle comme l'O2 Arena mais un stade, celui d'Aston Villa. Plus d'infos et
08/02/2025, 14:56
Pour moi, c'est absolument impossible à regarder tellement chaque plan change toutes les secondes. C'est dommage d'y avoir mis tant de moyens pour finalement proposer un montage pareil. Je ne sais pas si des gens apprécient ça, moi je ne peux pas. J'&eacut(...)
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Le jeu était plié depuis le soir même des JO. Je ne vois pas tellement ce que MetallicA avait fait spécialement en 2024 pour mériter d'être nominé (je suis fan, mais quand même).Je suis Gojira depuis le premier album et j'ai vu(...)
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