La pandémie de COVID et le confinement qui l’a suivi ne cessent d’inspirer les musiciens du monde entier, et d’horizons divers. Et pour cause, il a condamné les artistes à rester cloîtrés chez eux, sans possibilité de rendre leur musique vivante en live, l’essence même de l’expression artistique lorsqu’elle s’évade du studio. Alors, plutôt que de se morfondre sur ces scènes que personne n’allait fouler, on en a profité pour créer, la seule chose à faire lorsqu’on est bloqué dans un appartement parisien à regarder la ville souffrir sous cette chape de silence. C’est exactement l’aventure que les DELIVERANCE ont connu en 2020, suite à la parution de leur deuxième album Holocaust 26:1-46, qui finalement, trouva un écho au Temple du Hellfest, sorte de miette lancée par le destin. Mais si l’exercice du concert était proscrit pour tout le monde, il restait cette feuille blanche à noircir d’idées encore plus sombre que le paysage urbain.
Il existe une dualité frappante sur ce troisième album, très justement baptisé Neon Chaos in a Junk-Sick Dawn. Dualité qui se formalise autour de la musique la plus ouverte que le groupe a proposé jusqu’à lors, mais aussi celle habitée par des textes déprimants, traitant d’addictions diverses, de santé mentale chancelante et de désintoxication pour parvenir à l’état de corps sans organes. Beaucoup de réalisme donc, voire de pessimisme parfois, qui a obligé les compositeurs à aller chercher au-delà de leur terrain de chasse habituel l’inspiration pour mettre en valeur ces thématiques tout à fait contemporaines.
Sacha Février (basse), Fred Quota (batterie), Etienne Sarthou (guitare) et Pierre Duneau (chant) ont donc encore une fois foulé une nouvelle terre pour y découvrir des formes de vie différentes. Bien sûr, le Black/Sludge des débuts est encore très présent, et même omniprésent si l’on y réfléchit bien, mais la porte a été ouverte à des styles moins figés, comme le Rock progressif, le Rock généraliste, le Black Metal pur ou encore le Post Rock/Post Black, sans vraiment s’y plonger. Neon Chaos in a Junk-Sick Dawn est donc une sacrée ouverture pour le groupe, qui doit se rappeler de ces nuits blanches passées à regarder le spectacle figé d’une ville endormie, aux acteurs au chômage technique de prestations.
Sur les six morceaux que compte cet important et imposant troisième album, deux dépassent allégrement le quart d‘heure, sans se montrer redondant ou répétitif. Certes, les répétitions sont bien là, mais à dessein, pour créer cette hypnose des sens que le groupe a recherchée, à l’image d’un membre engourdi qui refuse de bouger pour exécuter les gestes les plus simples. J’ai immédiatement adhéré au propos artistique du pavé « Odyssey », qui en dix-huit minutes et des poussières résume le passé pour projeter vers l’avenir. On y sent toute la volonté du groupe d’avancer coûte que coûte, et de ne plus se cantonner à des litanies noires et autres soliloques concentriques. Mais la circulation des idées, la façon de les formaliser très personnelle font de ce nouveau chapitre le plus important d’une carrière encore jeune, mais déjà sanctionnée de trois œuvres majeures.
Outre cette production ample et légèrement diffuse, on retrouve un déroulé de titres qui laisse place à la surprise, entre Black lancinant et insistant (« Up-tight ») et Black Metal pur et dur, à la norvégienne, mais agrémenté de quelques fantaisies plombantes. DELIVERANCE est donc aujourd’hui sans autre entraves que celles imposées par son imagination, qui semble sans limites, un peu comme un cauchemar partagé par NEUROSIS, DARKTHRONE, HYPNO5E et ALCEST.
Je ne le cacherai pas, Neon Chaos in a Junk-Sick Dawn a eu un impact énorme sur moi. Déjà fan de la plupart des groupes de l’écurie de Gérald, je me suis laissé séduire par cette envie d’ailleurs, en retranscription d’une époque qui a marqué à vie des millions de personnes à travers le monde, condamnées à rester derrière des vitres closes ou à sortir dans des rues fantomatiques le masque vissé sur le visage. Cette claustrophobie est parfaitement traduite ici, par « Neon Chaos », qui explose droit devant comme une frustration trop longtemps refoulée, mais surtout par ce final homérique qui en dix-sept minutes nous ramène deux ans en arrière, lorsque rien n’était encore possible et qu’il fallait ronger son frein et se contenter d’aller pisser toutes les deux heures pour s’occuper.
« Fragments of a Diary from Hell » est un petit bréviaire de l’enfer sur terre, qui impose une longue intro aux arrangements fouillés. Un journal intime d’une âme enfermée par ses propres démons, et fixant une table de cuisine, une commode de salon, ou une télé diffusant ses insanités en boucle. Les effets sont judicieusement placés, les mots se détachent comme emprisonnés par une cabine Leslie, et le groupe prend son temps pour plaquer le motif principal, histoire de nous allumer la lumière avant de l’éteindre pour de bon.
L’ADN du groupe est présent tout au long de l’album, mais plus particulièrement sur ce dernier morceau. Un morceau aux accents Black/Sludge, le point de départ de l’histoire, entre lenteur asphyxiante et redondance suffocante. Parfaite conclusion d’un album parfait, « Fragments of a Diary from Hell » laisse un goût méchamment amer dans les oreilles, et nous confronte une fois de plus à l’un des épisodes les plus tragiques de l’histoire.
Entre quatre murs, sans verrou mais une interdiction légale, la prison que nous avons tous affrontée est la pire qu’un être humain puisse supporter. Dehors sans l’être, dedans mais pas vraiment, une torture pour les esprits affranchis, et un test grandeur nature d’un enfer qui nous attend patiemment au détour d’une décision/manipulation malheureuse.
Titres de l’album :
01. Salvation Needs a Gun
02. Venereal
03. Odyssey
04. Up-tight
05. Neon Chaos
06. Fragments of a Diary from Hell
Je n’ai jamais entendu parler de ce split vous savez ou l’écouter ou ce le procurer
03/06/2025, 13:35
Effectivement difficile de rester insensible à ce type de festival, à taille humaine, avec une ambiance conviviale sans tomber dans la cour des miracles et surtout avec une bell prog’. Très content d’avoir découvert Gravekvlt et pris la mandale attendue de (...)
02/06/2025, 23:00
Excellent report ! J'y étais. C'était purement génial. Dans le même style, tout aussi excellent, le Courts Of Chaos fut aussi un fantastique moment.
01/06/2025, 19:36
Incroyable un groupe qui s'attaque à faire une reprise de Dead Congrégation !!! Je me languis d'écouter ça . Faut pas se louper la ahah.
31/05/2025, 21:53
Ah ah ce message d'au revoir est magnifique"Je dois y aller maintenant… chercher un boulot et jouer à Roblox avec mon fils…"
31/05/2025, 09:12
@Gargan exact, oubli impardonnable...Mais que veux-tu, je suis une vieille baderne qui pense que DEEP PURPLE est de la musique de jeunes et que tout est pourri depuis la mort de Roy Orbison. Mais totalement d'accord pour "Whiter Shade of Pale", quel feeling....
30/05/2025, 09:39
Bah tu as oublié la reprise finale de dragon ball par Lisa, question de génération hehe. Je ne connaissais pas tant que ça Paul Gilbert (un peu Mr Big et Racer X, mais pas plus), super bonhomme et musicien incroyable. Enorme panard sur la reprise de Procol Harum.
29/05/2025, 22:28
J'avoue avoir délibérément censuré cette information de premier choix... ... ...
26/05/2025, 07:32
@LeMoustre : alors grand-père, t'as réussi à sorti des soins palliatifs?
24/05/2025, 07:15
Une plaque bien méritée ! Mes deux premiers albums de death metal, Blessed are the Sick de Morbid Angel et Tomb of the Mutilated de Cannibal Corpse, deux albums que j'adore toujours autant, après plus de 30 ans passés dans ma discothèque, y ont &eacut(...)
23/05/2025, 19:55
Je chiais encore dans des couches à la grande époque du Morrisound, et pourtant si je fais un top 10 de mes albums de chevet tous styles confondus, la moitié (au moins) aura été enregistré dans ce studio. Le genre de lieu qui a marqué notre sc&egra(...)
22/05/2025, 17:52