Si vous avez les plumes, j’ai le goudron. Maintenant, reste à savoir qui nous allons enduire de ces deux éléments, et pour le punir de quelle faute ? Un coupable semble désigné d’office : la mouvance old-school. Après tout, tous ces groupes ne faisant aucun effort pour créer une musique sinon novatrice, au moins personnelle, méritent bien un châtiment exemplaire. Le goudron et les plumes virtuels les attendent donc, et seront versés par un orchestre suédois méritant, comme il en existe tant, alors même que ce pays est le premier exportateur de nostalgie.
Mais visiblement, pas que.
TAR sent bon le bitume, les heures passées sur la route, mais aussi l’hybridation entre diverses méthodes de terrassement. Présent sur la scène depuis presque vingt ans, dont douze sous la bannière ELDRIMNER, ce quatuor de Göteborg a jusqu’à présent lâché deux longue-durée, dont le dernier remonte à 2020. On prend donc son temps et celui de ses fans éventuels, pour proposer des avancées majeures, et surtout, pour se forger un répertoire aéré, diversifié, et bien plus expressif que cette stupide appellation Progressive Groove Metal. Certes, le groupe montre des signes d’ambitions notables, et force aussi le trait sur sa puissance naturelle. Mais la combinaison de toutes ces inspirations donne quelque chose de beaucoup plus riche qu’un sous-genre inventé à la hâte, comme en témoigne l’entêtant et superbe « Lie Deep ». Basse serpentine, chœurs Pop, refrain contagieux et guitare en mur du son, quelque part entre un Rock généraliste et teinté de Heavy, Death harmonieux, et extrême généreux, pour une capacité à pondre un hit sans en avoir l’air.
TAR n’est donc pas la simple somme de ses tics et gimmicks. En quatre ans, les quatre musiciens (Martin Tjusling & Robin Holgersson - guitares, Alexander Andersson - chant, Albin Bennich - batterie) ont donc continué leur travail d’exploration, pour parfois évoquer un projet Alternatif très crédible de notre cher Devin, avec force arrangements ludiques, crises de colère, cathédrale sonore et prières adressées à une force supérieure. « Beneath The Waves » en est un bilan dressé de façon très professionnel, incluant une TVA Metalcore et des taxes thrashy 90’s. Loin d’un simple orchestre de seconde zone pompant allègrement les méthodes de ses influences, LAMB OF GOD, LINKIN PARK et autres joyeusetés plus ou moins sauvages, TAR s’affiche sous un jour plus évolutif que réellement progressif, même si ses thèmes se meuvent en toute liberté pour mieux muter et revenir via un assemblage différent.
Prendre par surprise, tel semble être le crédo des suédois, qui aménagent des plages de calme relatif avant de tout exploser d’un riff gigantesque. Production à la virgule près, musique précise mais viscérale, Until We All Lie Deep Beneath The Waves est une noyade des sens qui nous prive d’oxygène, mais qui nous alimente par d’autres biais. Des syncopes, des saccades, de faux rythmes, des mesures aléatoires, et des coups de sang spontanés, pour remplir les bouteilles qu’on porte sur le dos.
Parfois à la lisière d’un Post Metal contemplatif, mais conscient des enjeux de son époque, Until We All Lie Deep Beneath The Waves est riche de sa propre expérience, et s’oblige à fouiller dans les moindres recoins pour être sur de ne rien avoir oublié en route. Cette façon de jongler avec les textures est brillante, et aboutit à des synthèses parfaites de moyens créatifs illimités. « The Settlement » coupe court à toute comparaison, et bouscule un chant mélodique de sa thématique brutale. Avec une violence toujours sous contrôle, TAR pave la voie aux artistes les plus regardants sur l’originalité, et indique le chemin de la rédemption moderniste pour excuser la tendance scandinave à recycler tout ce qu’elle trouve.
Comme une hésitation permanente entre l’ire des nineties et la lucidité 2K, ces vagues nous submergent de leur flux et reflux, sur une côte quelconque, un jour de contraste entre pluie fine et soleil pâle. « Vag Jord » nous offre une météo très précise, et justifie son bulletin de quelques grains lointains s’approchant du quai, prenant la forme de riffs acides et pour le moins humides.
Décidément très intéressant, ce deuxième album utilise même des codes inhérents au Black Metal pour s’imposer, avec l’entame impressionnante « Hang Them ». Injonction pour le moins péremptoire, ce premier morceau montre une des facettes de TAR, puis une autre, puis une autre, formant ainsi un puzzle d’identité pour le moins troublant. Proche de la schizophrénie, tout en étant lucide et pragmatique, TAR se moque indirectement des formations prônant le statisme et la culture facile, en signant des titres aux constructions en gigogne, et aux motifs qui s’entremêlent à une vitesse conséquente.
Pas de vrai tube donc, des clins d’œil à plusieurs générations, pour un résultat saisi à point. Et même plus, lorsque le dessert « Ingen Finns Kvar » déroule ses six minutes le long d’une évolution ambitieuse, reprenant à son compte les thèses déjà exposées.
TAR est solide, mais fluide à la fois. Facile à travailler, mais exigeant dans le résultat. Une fois la couche appliquée, ne restent plus que les plumes à coller. J’en vois certains qui commencent à trembler dans leur coin, accusés d’une facilité qu’ils ne peuvent réfuter.
Bien fait.
Titres de l’album:
01. Hang Them
02. Yersinia
03. Holes
04. Until We All
05. Lie Deep
06. Beneath The Waves
07. The Settlement
08. Vag Jord
09. Ingen Finns Kvar
Excellent report ! J'y étais. C'était purement génial. Dans le même style, tout aussi excellent, le Courts Of Chaos fut aussi un fantastique moment.
01/06/2025, 19:36
Incroyable un groupe qui s'attaque à faire une reprise de Dead Congrégation !!! Je me languis d'écouter ça . Faut pas se louper la ahah.
31/05/2025, 21:53
Ah ah ce message d'au revoir est magnifique"Je dois y aller maintenant… chercher un boulot et jouer à Roblox avec mon fils…"
31/05/2025, 09:12
@Gargan exact, oubli impardonnable...Mais que veux-tu, je suis une vieille baderne qui pense que DEEP PURPLE est de la musique de jeunes et que tout est pourri depuis la mort de Roy Orbison. Mais totalement d'accord pour "Whiter Shade of Pale", quel feeling....
30/05/2025, 09:39
Bah tu as oublié la reprise finale de dragon ball par Lisa, question de génération hehe. Je ne connaissais pas tant que ça Paul Gilbert (un peu Mr Big et Racer X, mais pas plus), super bonhomme et musicien incroyable. Enorme panard sur la reprise de Procol Harum.
29/05/2025, 22:28
J'avoue avoir délibérément censuré cette information de premier choix... ... ...
26/05/2025, 07:32
@LeMoustre : alors grand-père, t'as réussi à sorti des soins palliatifs?
24/05/2025, 07:15
Une plaque bien méritée ! Mes deux premiers albums de death metal, Blessed are the Sick de Morbid Angel et Tomb of the Mutilated de Cannibal Corpse, deux albums que j'adore toujours autant, après plus de 30 ans passés dans ma discothèque, y ont &eacut(...)
23/05/2025, 19:55
Je chiais encore dans des couches à la grande époque du Morrisound, et pourtant si je fais un top 10 de mes albums de chevet tous styles confondus, la moitié (au moins) aura été enregistré dans ce studio. Le genre de lieu qui a marqué notre sc&egra(...)
22/05/2025, 17:52