Interview Fabien W. Furter (WHEELFALL)

Wheelfall

Rencontre avec le leader/chanteur/compositeur de WHEELFALL pour en apprendre plus sur leur dernier album en date, "The Atrocity Reports", et le concept derrière tout ça. Après avoir lu l'interview, l'album n'aura plus aucun secret pour vous.


01. Salut Fabien, comment vas-tu et comment se porte WHEELFALL quelques mois après la sortie de The Atrocity Reports dont les retours dans la presse ont été plus que positifs ?

Salut, ça va très bien et j’espère que toi aussi ! WHEELFALL se porte extrêmement bien, on se prépare pour la première tournée depuis la sortie de l’album, qui se déroulera fin Février : on a fait quelques très bons concerts (avec Dagoba et Impure Wilhelmina), mais là ça va nous permettre de jouer l’album un peu partout en France… On a hâte !

Les retours sur l’album sont pour le moment plus qu’excellents, mais ce qui me rend encore plus fier, c’est qu’il a l’air de provoquer des débats. Que ce soit sur le style musical qu’on est censé pratiquer, mais aussi sur ses thèmes… Et pour un album qui a été conçu comme une réaction au fonctionnement de la société actuelle, ça me semble être une réussite. On me questionne beaucoup sur le message véhiculé par l’album, que ce soit via la structure de la musique elle-même (aride et basée sur le rythme plus que la mélodie), ou via la violence des vidéos : je trouve ça génial. La démarche de WHEELFALL est autant instinctive qu’intellectualisée, et je suis très content de voir que l’album permet aux gens d’essayer de voir au-delà des apparences, de questionner, remettre en question…Ces principes sont dans l’ADN de WHEELFALL : si ça se transmet, le but est atteint !



02. Ce nouvel album est en fait la suite directe de "Glasrew Point" et constitue la 2e partie d'un concept si j'ai bien compris ?

Exactement ! Disons même que le concept est né dès les débuts du groupe, et que le double album Glasrew Point a scellé la « vraie » identité de WHEELFALL… C’est pour ça que je le considère comme le vrai premier album du groupe. Celui qui a permis au groupe de s’exprimer pleinement, thématiquement et musicalement.

En fait, sur Glasrew Point, on a mis en scène nos thématiques à travers une histoire, qui s’est retrouvée écrite en un petit roman d’une centaine de pages, et qu’on a illustré musicalement via l’album en lui-même. L’histoire racontait le combat d’un petit groupe de personnes luttant pour leur survie, dans une ville et société qui essaye de les faire rentrer dans leurs rangs. Ce petit groupe, pris à parti par d’autres habitants de la ville, se rend compte que ceux-ci ont « changé » et que cela se propage : ils ne sont plus les mêmes, faisant disparaître quiconque s’opposerait à eux, et leurs agissements sont cachés par les médias en place. Leur salut devient alors la fuite et ils se retrouvent ainsi sur Glasrew Island, où ils pensent avoir échappé à leurs assaillants. Je n’en dis pas plus ! Cette histoire nous permettait de mettre en scène les thèmes de nos relations avec la technologie, la communication de masse, la perte d’identité et d’idéaux, et d’y injecter un certain scepticisme philosophique dans lequel je me retrouve beaucoup.

The Atrocity Reports a lui aussi été écrit avec une histoire, même si l’album a été plus été pensé comme un « commentaire » à l’histoire, là où Glasrew Point la racontait aussi dans ses paroles. Dans The Atrocity Reports, j’ai voulu centrer l’action dans la même ville où se passent les premiers événements de Glasrew Point, au même moment, donc avec le même contexte. Mais cette fois ci j’avais envie de parler plus spécifiquement de notre rapport à l’Ecran (j’y mets une majuscule, car il représente une quasi-religion pour beaucoup dans notre société, malheureusement). La télé, les smartphones, les ordinateurs… Ce progrès censé nous rendre plus libre a finalement réussi à nous rendre plus asservi et plus voyeur que jamais : l’individu est dilué dans la masse, et en réaction il se passionne pour des personnalités bien choisies par les médias, donnant lieu à un grand cirque où on a l’impression que le débat d’idées est relégué aux oubliettes. Je digresse (rires) ! Bref, dans ce contexte, il me semblait hyper intéressant de mettre en scène un individu complètement en marge, utilisant les mêmes leviers technologiques que la société, mais d’une façon qui la dérangerait : et pour ça, quoi de mieux qu’un tueur en série (faisant partie des gens qui ont « changé », donc une pure conséquence de cette société) mettant en scène ses meurtres comme des œuvres artistiques, les filmant et les exposant dans des milieux undergrounds où de riches spectateurs peuvent se les payer ? The Atrocity Reports raconte donc l’histoire de ce tueur en série, et des autorités qui essaient d’étouffer l’affaire malgré eux. 

D’ailleurs, pour ceux qui se poseraient la question : suite à quelques revirements de situations, le livre n’a pas pu sortir avec l’album ; mais je suis hyper heureux de dire que celui-ci est actuellement en cours de rédaction !



03. Et ce sera une sorte de triptyque je crois ?

Dès le départ j’ai eu envie d’en faire un triptyque autour de la ville décrite dans ces histoires et son contexte : 3 points de vue différents sur un même contexte, 3 façons différentes d’interagir avec cette société… Multiplier les points de vue est important ! Tu retrouveras là aussi notre démarche avec WHEELFALL (rires) !

Du coup j’ai l’impression que tu m’as fait annoncer le 3ème album (rires) : c’est le cas ! Je suis actuellement en train de travailler dessus, musicalement et au niveau de l’histoire racontée. Je pense qu’on va aller vers quelque chose d’assez ambitieux encore une fois, c’est stimulant !

Je ne sais pas si dans les albums d’après, Glasrew Island sera un lieu récurrent, à l’image de Castle Rock ou Derry qu’a imaginé Stephen King par exemple… L’idée est plaisante en tout cas, mais pour le moment je me concentre sur la promo de The Atrocity Reports et la création du 3ème volet du cycle Glasrew Point.


04. Autant Glasrew Point versait dans le Sludge bien lourd et poisseux avec quelques touches Indus ; autant, là, le côté Indus est plus que clairement assumé. Comment le groupe en est arrivé là ? C'est le concept qui veut ça ?

Les concepts et la musique ont une importance équivalente chez nous, du coup les deux s’influencent mutuellement à chaque fois ! Glasrew Point se devait d’être mystérieux et introspectif, The Atrocity Reports devait être brutal et dérangeant : déjà ça peut expliquer le format (1h22 pour le premier, 41min pour le second). Pour le côté Industriel, je crois que c’est une évolution naturelle : comme tu le dis, il y avait déjà ce côté Indus dans Glasrew Point, et pour ce nouvel album, j’avais vraiment envie de faire des morceaux à la forme plus accrocheuse, être hyper concis sur la forme sans perdre quoique ce soit du fond (musicalement parlant aussi). Ce besoin de structures complexes et contemplatives, opposé à l’envie de jouer des choses hyper catchy, c’est l’exact reflet de ma vie de tous les jours (rires) ! Deux de mes œuvres préférées sont le Sacre du Printemps de Stravinsky et The Downward Spiral de NIN, et je passe facilement d’une minute à l’autre de Prurient à Oasis…Bref avec The Atrocity Reports je voulais essayer d’avoir une forme ultra concise et brutale, basée sur le rythme, sans pour autant perdre en richesse d’arrangements et de structures. Et tout naturellement, l’héritage Industriel s’est imposé de lui-même dans la façon d’aborder les choses !


05. Encore une fois, l'album se voit illustré par une superbe pochette. Quelle en est la signification ?

Merci beaucoup, je transmettrai à la photographe et au modèle (qui a dû mariner dans le faux sang pendant un petit moment) ! La pochette est simplement une tête ensanglantée enroulée dans du film alimentaire, isolée de tout, en gros plan. Pour moi c’est l’exacte représentation de toutes les thématiques abordées dans l’album dont je parlais un peu avant. La proximité avec le sujet rend la pochette presque abstraite et sujette à interprétation : là encore ça me plait car l’auditeur a aussi sa part de création quand il reçoit et écoute l’album ! 


06. Vous avez bossé à nouveau avec Gorgor des Studios de la Forge. Pourtant le son est différent, comment avez-vous aborder la production de ce nouvel opus ?

Le processus a été très différent, par rapport à Glasrew Point. Cette fois ci on est arrivés beaucoup plus préparés… C’est presque une conséquence involontaire car la création de The Atrocity Reports a été jonchée de rebondissements (rires) ! Lors de la composition de l’album, j’étais vraiment parti très, très loin musicalement, tellement que ça en était devenu complètement opaque pour les autres membres du groupes. C’est à ce moment-là que Niko (Elbow Giraud, batterie) a quitté le groupe, et qu’au final je me suis orienté vers des morceaux plus concis. Du coup pour continuer à composer et répéter j’ai pris en charge l’intégralité de la composition des pistes batteries en plus des autres instruments, jusqu’à ce qu’on trouve Skaparen qui a fini par les enregistrer. Peu avant l’entrée en studio, l’autre Niko (El Moche) a aussi exprimé l’envie de passer à autre chose, ce qui m’a poussé à enregistrer moi-même la basse en plus d’une partie des guitares, des samples et du chant. A la sortie du studio, Skaparen s’est consacré à ses propres projets, et finalement Niko (Elbow Giraud) est revenu dans le groupe ! Nous avons aussi très vite retrouvé un bassiste, Thibaut, qui est un ami de longue date. 

Du coup, avec de tels événements, le projet avait intérêt à être solide : les morceaux étaient déjà presque totalement arrangés en entrant au studio, et donc on n’avait plus qu’à enregistrer tel quel les parties écrites. Il y a évidemment toujours une part d’imprévu au niveau des arrangements (comme le chant sur le pont de "There Is No You" dont l’idée m’est venu le jour même des prises : une prise, à l’instinct, l’instant a été capturé… et ce passage me fait toujours autant d’effet depuis), mais ce temps passé fut minime.

Concernant le son en lui-même, j’avais aussi du coup une idée extrêmement précise de ce que je voulais, en accord avec la thématique de l’album : je voulais que le son soit voyeuriste et agressif. Les guitares ont été pensées comme des instruments rythmiques cisaillant les morceaux, avec beaucoup d’aigus, remettant la basse au centre des choses avec un son osseux et distordu, menaçant. Le chant plus arraché et plus scandé qu’auparavant, et au contraire dans "Black Bile" plus profond et mystérieux. Pour la batterie, je voulais ce côté hyper mécanique et impitoyable de la machine, mais avec la sensibilité humaine… Il a fallu faire des choix tranchés, mais tous se sont révélés être au service du propos et de l’album ! Je voulais qu’on entende absolument TOUT, que les nombreux détails se jettent à la face de l’auditeur. Le son de cet album est spécial, assez loin des canons actuels du genre mais je crois qu’il est parfaitement adapté aux compositions… Pour être honnête, beaucoup d’albums sont joués, et sonnent exactement de la même façon actuellement, je trouve ça déplorable ; je pense que c’est notre responsabilité en tant que compositeurs et musiciens de proposer quelque chose de nouveau et d’aller de l’avant. Gorgor est un ami et collaborateur de longue date, je lui fais totalement confiance et il a très bien su traduire toutes mes doléances quand on bossait ensemble devant la table de mix. 




07. Le mastering est signé James Plotkin (OLD, SCORN, KHANATE). Comment êtes-vous rentré en contact avec lui et comment s'est passée votre collaboration ?

Vu la tournure que prenait l’album, c’était un choix évident ! James connait très très bien la musique industrielle (j’adore l’album LoFlux Tube de OLD), mais aussi la scène plus expérimentale et de musique « lourde » et pesante. En tant qu’admirateur de son travail, musicien comme ingénieur son, le choix s’est très vite confirmé, car je pensais qu’il pouvait parfaitement comprendre les directions musicales de WHEELFALL, qui ne sont pas celles d’un groupe qu’on peut facilement catégoriser. Il a été très à l’écoute, c’était très simple de travailler avec lui et il a su donner à The Atrocity Reports ce côté abrasif qu'il nous manquait !


08. Aujourd'hui, pour cet album, tu as abandonné la guitare pour te concentrer sur le chant et les synthés. Est-ce dû à une nécessité logistique ou artistique ?

En fait, j’ai « abandonné » la guitare uniquement pour les concerts. Je compose toujours à la guitare (entre autres), et sur The Atrocity Reports j’ai enregistré une grande partie des instruments à cordes. Pour la scène, je crois que je suis meilleur interprète de l’énergie des morceaux de WHEELFALL en me concentrant uniquement sur le chant. Je gesticule beaucoup sur scène (rires) et gérer un pedalboard géant en plus des morceaux à la guitare, plus le chant : ça devenait impossible ! Surtout que les morceaux de The Atrocity Reports sont plus fournis et intenses au chant… Du coup, Thibaut (Thieblemont) a lâché les claviers pour la guitare qui est son instrument de prédilection, et moi je ne fais que le chant et je garde un petit synthé analogique pour certains passages sur scène ; les samples sont tous sur bande désormais. Je crois vraiment que ça a décuplé notre énergie en live : c’est beaucoup mieux pour le public, et pour nous. 

09. Quels sont les projets de WHEELFALL pour cette nouvelle année ?

Assez simple au final : faire arriver The Atrocity Reports au plus grand nombre d’oreilles possible. Que ce soit dans les festivals, dans des concerts UG, sur internet, partout… Comme le personnage de The Atrocity Reports, on va se servir des leviers fournis par la société pour propager notre message.

10. L'interview est à présent terminée, si j'ai oublié quelque chose, je te laisse conclure.

Un grand merci à toi pour cette interview, et un grand merci à tous ceux qui nous suivent et supportent ! De belles (tout est relatif) choses arrivent bientôt. 

Restez alertes et critiques, et à bientôt !


https://wheelfall.bandcamp.com/



par youpimatin le 13/02/2018 à 15:45
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